Ile d'Oléron - N°114 - Janvier/Février 2012

Nathan et Quentin : une association pour les victimes de la route

Plusieurs mois après l’accident de la route qui a causé la mort de Nathan et de Quentin Delaurent, des jumeaux originaires de Saint-Trojan, leur famille souhaite créer une association pour aider les victimes de la route.

La première fois. C’était la première fois que Quentin et Nathan Delaurent, des jumeaux de 15 ans, décrochaient l’autorisation parentale pour se rendre en scooter au feu d’artifice de La Cotinière. C’était le 15 août dernier. En revenant de cette fête avec un petit groupe d’amis, ils ont trouvé la mort dans un accident de la route. Ensemble, côte à côte. Quatre mois plus tard, et à l’approche de leur 16e anniversaire – le 16 décembre – et de Noël, la douleur de la famille est exacerbée. Sandrine, leur maman, veut toutefois parler, encore et encore et surtout expliquer que non, avec son mari Jean-Marc, ils ne sont pas des parents démissionnaires et que leurs fils n’étaient pas des «petits branleurs, mais deux gamins réservés en public mais tellement câlins à la maison. Les soirs, en allant dans leur chambre, j’avais droit à un bisou.» Laura et Benjamin, les deux aînés, se souviennent eux aussi de frangins aimants, rieurs, qui «prenaient très soin de leur look et pouvaient passer des heures à se préparer».

Aux premières heures du 15 août, la vie de cette famille tranquille a été bouleversée à jamais parce que deux personnes n’ont pas pris conscience que l’alcool et les stupéfiants ne pouvaient pas faire bon ménage avec l’usage d’un véhicule. Sandrine Delaurent, dont le visage trahit la douleur qu’elle endure depuis ce jour fatal, veut partager sa révolte contre les «meurtriers» de ses fils mais aussi contre ceux qui parlent d’eux sans les connaitre. «Nous n’étions pas très chauds pour qu’ils aillent à La Cotinière en scooter puisqu’ils n’étaient pas autorisés à circuler au-delà de Dolus où travaille leur papa. Nous habitons Saint-Trojan. Ils ont tellement insisté. En septembre, ils devaient intégrer le CFA et travailler en alternance chez un patron. Ils auraient eu moins de loisirs. Nous avons cédé. C’était la première fois. Jusqu’alors ils avaient la permission de 23h30, minuit, jamais plus tard.» Nathan et Quentin avaient planifié leur soirée avec minutie. D’abord planter les tentes à Dolus chez une de leur copine puis avec trois autres copains se rendre à La Cotinière. A chaque étape de leur journée, Sandrine et Jean-Marc ont reçu des messages de leurs fils. «A chaque déplacement, nous recevions des textos pour nous informer qu’ils étaient bien arrivés. Ce soir-là, nous en avons reçu un lorsqu’ils sont arrivés à La Cotinière puis lorsqu’ils sont repartis en direction de Dolus où ils devaient dormir.» Sandrine et Jean-Marc ont attendu le texto leur signifiant qu’ils étaient bien arrivés. En vain. «Au bout de 20 minutes, nous avons commencé à nous inquiéter, reprend Jean-Marc. Nous sentions qu’il se passait quelque chose. Nous avons téléphoné plusieurs fois sans aucune réponse.»

Sans vouloir céder totalement à la panique les parents décident tout de même de s’habiller pour prendre la route. «Puis nous avons reçu un coup de téléphone d’une amie de nos fils. Elle hurlait qu’ils avaient eu un accident et qu’ils ne trouvaient pas les jumeaux.» Arrivés sur les lieux de l’accident pratiquement au même moment que les secours et la gendarmerie, les parents apprendront l’indicible nouvelle. «Sur place, c’était la panique totale de la part de la gendarmerie et du SAMU. Nous avons été relégués derrière les barrières comme de simples badauds.» A la demande de la famille, Sandrine sera hospitalisée. «Les parents des autres enfants tombés dans l’accident n’ont pas été prévenus parce qu’ils n’étaient pas blessés. Il n’y a eu aucun prise en charge, sur l’instant mais aussi maintenant quatre mois plus tard. Rien.» Dignes, les Delaurent se reposent sur leur famille très présente. «Nous ne savions pas quelles démarches entreprendre surtout au niveau administratif.» Jean-Marc Delaurent en portant plainte a appris, «un peu par hasard», que sa femme et ses deux autres enfants pouvaient aussi le faire. Alors la famille se débat avec sa douleur et sa révolte essayant par divers moyens d’apaiser cette haine qui gronde. «Nous avons lancé une pétition contre la vitesse des camions poubelle qui continuent à rouler trop vite. Plus de 2 000 personnes ont signé la pétition que nous avons remise en mains propres à Madame la préfète. Nous avons l’impression que cet accident n’a servi à rien.» Parallèlement, la famille souhaite créer une association pour aider les victimes de la route et leur famille. «Nous ne savons pas trop par où commencer, comment faire, mais nous devons agir. Nous nous sommes rapprochés de familles ayant connu le même drame que nous, nous nous soutenons.» Dans le salon de la maison familiale, les photos de Nathan et de Quentin souriants au côté de leur sœur Laura et de leur frère Benjamin amplifient le manque d’eux. «Eux ils ne buvaient pas d’alcool, eux ils ne se droguaient pas. Ils ne se permettaient pas de juger les personnes sans les connaître. C’étaient des petits gars gentils, pleins de vie, bien dans leur peau, entourés par un petit groupe d’amis parmi lesquels Charline, Lola, Thyphaine, Jordan, Alexandre, Jessica, Aurélie... qu’ils connaissaient pour certains depuis la maternelle.» Passionnés de voitures, comme leur père, les jumeaux se destinaient cependant à la maçonnerie. En septembre, ils auraient dû être scolarisés au CFA. Nathan devait alors travailler en alternance avec son frère Benjamin, maçon, alors que Quentin devait intégrer une autre entreprise. Chouchoutés par leurs aînés, les garçons qui se ressemblaient physiquement avaient leur code à eux mais n’ont jamais joué de leur ressemblance. 

«Ma grossesse a été une surprise et évidement ce fut un choc d’apprendre que nous avions des jumeaux mais quel bonheur aussi.» Avec un sourire, le seul, Jean-Marc Delaurent évoque le jour où sa femme lui a appris l’existence des deux garçons. «J’étais dans une cabine téléphonique en déplacement à l’extérieur de l’île. Lorsque Sandrine qui venait de passer l’échographie m’a dit les bébés vont bien, je lui ai dit de patienter pour que je puisse aller acheter une nouvelle carte téléphonique n’ayant plus d’unités. Ils sont nés le jour des 9 ans de Laura. Cette année, elle a fêté seule ses 25 ans.» 

Plus soudés que jamais, Laura, Benjamin, Sandrine et Jean-Marc n’ont plus aujourd’hui que les souvenirs et l’envie de se battre pour «que justice soit rendue à Nathan et Quentin».

 


 

Le point sur l’enquête

Le 15 août dernier, vers une heure du matin, Nathan et Quentin Delaurent, chacun sur un scooter, accompagnés de deux autres scooters, partent de La Cotinière, direction Dolus. A hauteur du centre équestre de Dolus, le premier scooter sur lequel deux jeunes filles sont installées double une voiture qui roule à faible allure avec ses feux allumés. Cet automobiliste suivait depuis plusieurs kilomètres un scootériste zigzaguant sur la route. Il n’avait pas tenté de le dépasser craignant de le renverser. Alors que les filles tentent, elles, cette manœuvre il fait un écart et les fait chuter sur l’autre voie de circulation dans le sens Dolus–La Cotinière. A ce moment-là, un camion chargé de ramasser les bennes à ordures ménagères finit sa tournée. Afin d’éviter les filles tombées à terre, le chauffeur se déporte sur l’autre voie de circulation au moment où Nathan et Quentin arrivaient. Le choc inévitable a tué les garçons sur le coup. D’après les premiers éléments de l’enquête menée par la gendarmerie de Saint-Pierre-d’Oléron, le scootériste à l’origine de la chute des jeunes filles circulait avec 2,73 grammes d’alcool dans le sang et avait consommé des stupéfiants. Originaire d’Oléron, il n’avait plus son permis depuis de nombreuses années et n’avait pas entrepris les démarches pour en obtenir un nouveau. 

Les analyses effectuées sur le conducteur du camion, un trentenaire habitant Saint-Pierre, ont révélé qu’il avait également consommé des stupéfiants. Il roulait semble-t-il au-delà de la vitesse autorisée à cet endroit et avait également dépassé son heure légale de conduite. Les deux chauffeurs ont été mis en examen et placés en détention provisoire. Fin août, le chauffeur du camion benne a été remis en liberté. La cour d’appel de Poitiers a ainsi rejeté l’appel du parquet qui, le 19 août, avait fait appel contre la décision du juge des libertés et de la détention qui avait ordonné sa remise en liberté et le placement sous contrôle judiciaire. Agé de 36 ans, il a été mis en examen le 17 août pour homicides involontaires avec deux circonstances aggravantes. Sa remise en liberté s’accompagne de contraintes à savoir l’interdiction d’utiliser un véhicule à moteur et de vivre sur l’île d’Oléron. Sa famille et lui ont donc déménagé sur le continent. De son côté, le chauffeur du scooter est toujours incarcéré. Il a fait une demande de remise en liberté qui lui a été refusée. Son avocat a fait appel de cette décision. Mis en examen pour homicides involontaires, il devrait cependant sortir avant la tenue de son procès, probablement d’ici la fin de l’année ou début 2013.

 

 

Commentaires des internautes
Mat18 - le 30/01/2012 à 10:30
Un bel article, très émouvant...
lili - le 07/10/2013 à 11:52
N est Q je es connaissait peut mes sa fait mal !
Jérôme blanchet - le 12/07/2014 à 12:44
Du courage à la famille. Je suis un jeune de 22 ans et je trouve affreux de lire ça. Les garçons avaient le droit de circuler. Même à une heure tardive la n'est pas la question chacun fait ce qu'il veut. Maintenant rouler vite et sois stupéfiant avec un camion benne c'est inconscient et dangereux. La preuve. À cause de ce monsieur la vie d'une famille est brisée et deux garçons ne pourront pas construire un avenir. Qu'il pourrisse en prison. Courage à la famille.
martinet francoise - le 08/10/2015 à 20:26
Jean baptiste mon fils chéri a été tué par un chauffard alcoolisé qui roulait à 165 km h! Lui en moto n avait aucune chance; ça n arrive pas qu aux autres messieurs les ministres et si l un de vos enfants disparaît dans ces conditions vous ferez peut être bouger les lois qui protègent les assassins de la route.
Valérie Resplandy - le 09/10/2015 à 13:33
Je tenais juste à vous manifester mon soutien dans cette terrible épreuve que j'ai moi-même touché du doigt avec le meurtre par une chauffarde de ma petite soeur il y a bientôt 3 ans. Cela ne vous ramènera pas vos 2 soleils mais j'avais besoin de vous dire que je comprends votre révolte et que je la partage... J'espère que vous aurez les ressources pour faire face au mieux. Sincères et respectueuses condoléances.
Genève josiane - le 09/10/2015 à 18:48
Je vous adresse mes sincères condoléances même après 4 ans la douleur et la mais faut remercier la madame Taubira qui fait des lois que pour les ivrognes drogués et ganster c est la honte et il faudra faire sa propre loi bientot je suis avec vous et prie pour vos enfants ,
GODEFROY Mélanie - le 09/10/2015 à 19:29
Maman de jumeaux de 14 ans nés le 17 Decembre je tiens à apporter mon soutien a ces parents...Je me sens concernés par leur malheur et je suis de tout coeur avec eux.
Existe t'il un moyen de les soutenir.
Je viens de les entendre et je suis révoltée, ils ont carrément raison dans ce qu'ils disent...C'est une honte Un cauchemar.....
Mélanie
hutin pascaline - le 09/10/2015 à 20:18
Tout mon soutien aux parents de Nathan et Quentin,la perte d'enfant, c'est le pire drame .C'est notre chair.On n'y croit pas.Pourquoi?
Je suis une maman, qui est en deuil depuis 8 ans et demi, qui ne vit plus, sous médicaments etc.......
Mon fils était motard , un mineur au volant alcoolise, sans permis et d'autres circonstances a ôté la vie à mon Ange Wilfried qui aurait eu 25 ans 2 jours après.
Jugé sorti avec 3 ans avec sursis avec le permis voiture qu'on lui a laissé, avec l'interdiction de le passer, Cour d'Appel , 5 ans de mise a l'epreuve.
Je me bats, je ne lacherai pas.
En France, la justice c'est zéro.
Que la justice fasse son travail correctement, tant que ca ne touche pas ces personnes.
On oublie les Victimes, les Parents , les frères, les soeurs , la famille.
Pleins de courage aux parents , ne lachaient pas, c'est une honte.
Sincères Condoléances.
Michel MARTAY - le 10/10/2015 à 09:55
Je compatis pleinement à votre nouvelle douleur
et à votre révolte. Il va vous falloir beaucoup
de courage, de solidarité pour surmonter cette
épreuve. J'espère que le Parquet fera appel de
cette décision. Mon fils Jean Philippe qui revenait de son travail en scooter a été tué
parce qu'un chauffard a ouvert sa portière. Ce
chauffard a été relaxé. Toute la famille ne se
remet pas de cette relaxe. Bon courage à vous tous. Pour Nathan et Quentin, il vous faut continuer le combat Nous sommes de tout coeur avec vous
.
fleurent - le 09/11/2015 à 17:55
je souhaite à cette famille endeuillée tout mon soutien moral , c'est affreux de perdre son enfant mais en perdre deux en même temps , c'est insurmontable .cet accident a détruit pour la vie une famille entière!!! douleur que je connais pour avoir perdu un fils de 36 ans , la vie n'est plus du tout la même !!!! la douleur est omniprésente !!!! bon courage à cette famille !!!!!
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