Livres - N°180 - Janvier/Février 2023

Livres - BD

Après les frégates, les sous-marins et les galères (voir JdP n° 175), la collection de beaux livres dessinés « À bord » s’enrichit d’un titre consacré à la grande pêche. Les talentueux et prolifiques auteurs Jean-Yves Delitte, peintre officiel de la Marine et créateur de fresques maritimes en bandes dessinées, et Jean-Benoît Héron, illustrateur invité permanent de l’Académie de Marine, présentent l’histoire des marins-pêcheurs qui nourrissent les populations dans tous les ports à travers le monde. Ce n’est pas une encyclopédie qui serait impossible à faire sur tous les bateaux de pêche, mais la présentation de ces bateaux qui partent pour des semaines ou des mois pour ramener harengs, morues et thons. Ce livre est aussi un hommage à « la grande pêche [qui] fut et reste l’œuvre de grands marins, d’aventuriers, de seigneurs, d’hommes d’une force de caractère exceptionnelle, bravant météo menaçante, parages et mers hostiles, fiers de leur rude métier, pour rapporter du poisson », comme le dit Xavier de la Gorce, président de l’Académie de marine, dans la présentation.

Après un retour sur l’histoire de la pêche, la première partie est consacrée au hareng « qui fut probablement la première espèce pêchée en masse et de manière quasi industrielle » nous expliquent les auteurs. Espèce très présente dans les mers froides, « les côtes de Flandres, de Calais à Blankenberge, vont devenir des ports spécialisés dans la pêche au hareng » et donner naissance à un nouveau métier : celui de marin-pêcheur. Dès la fin du xive siècle, on règlemente sur la taille des mailles des filets et les périodes de pêche afin d’en assurer la pérennité. C’est à cette époque aux Pays-Bas que sont construits les premiers bateaux spécialisés dans cette pêche. En Normandie, Fécamp « sera l’un des principaux ports d’armement pour la pêche harenguière jusqu’au xviie siècle ».

Egalement pêchée dans les eaux froides des mers du Nord (essentiellement en Islande et au large de Terre Neuve aux xve et xvie siècles), la morue (ou cabillaud) se diffuse rapidement car elle peut être facilement conservée en la salant. En France, des goélettes ont été construites pour cette pêche. On peut encore voir l’Etoile et la Belle Poule lors des grands rassemblements maritimes.

La pêche au thon rouge est une pêche ancestrale remontant à plusieurs millénaires avant notre ère en Méditerranée. La pêche, longtemps surexploitée, y est maintenant très réglementée et 10 % proviennent de l’Atlantique. Le thon blanc, ou germon, est pêché sur des chaloupes dès le xviiie siècle par les Basques et autour de l’île d’Yeu, sur les routes de migration de l’espèce, puis se développe sur tous les ports de la façade atlantique avec l’utilisation de la conserve au début du xixe siècle. Ce sont des voiliers de type dundee, d’une vingtaine de mètres, qui sont alors utilisés pour cette pêche.

Les auteurs terminent en abordant la chasse à la baleine pratiquée par les Basques alors que les cétacés empruntent le gouf de Capbreton lorsqu’ils redescendaient des mers du Nord devenues trop froides. Les baleiniers basques étaient des trois-mâts d’une trentaine de mètres spécifiquement équipés, entre autres, de chaudrons en fonte pour faire fondre la graisse des mammifères marins capturés.

La description de l’histoire et de l’évolution de ces pêches est passionnante et remarquablement illustrée.

À bord – La grande pêche, Jean-Yves Delitte et Jean-Benoît Héron, éd. Glénat, 96 pages, 25 €

 

Les amateurs de belles bandes dessinées d’aventures en mer tirées de faits réels seront ravis de découvrir deux nouvelles publications chez Glénat, chacune en deux tomes.

Le très bel album, à la finition luxueuse, 1629, inspiré de faits réels, revient sur « le thriller maritime le plus impitoyable de l’histoire » d’après l’éditeur. Cette année-là, La Compagnie néerlandaise des Indes Orientales affrète le Jakarta à destination de l’Indonésie avec dans ses soutes assez d’or et de diamants pour corrompre l’Empereur de Sumatra. À son bord, plus de 300 personnes issues de la misère et des bas-fonds d’Amsterdam. La violence des officiers et la présence du trésor attise la tentation d’une mutinerie qu’un homme, Jeronimus Cornelius, numéro deux à bord, qu’on dit cultivé et intelligent mais ruiné et cupide, va vouloir déclencher. Au milieu de ce tableau sordide, une belle femme issue de la haute société est à bord pour rejoindre son mari. Proche du commandant, elle représente le dernier rempart « contre celui qui est probablement un des pires psychopates que l’histoire ait connu ». Fascinant et immersif.

L’autre album est celui qui revient sur la vie d’Olivier Levasseur, dit La Buse. En 1714, la guerre de Succession d’Espagne prend fin et de nombreux corsaires se retrouvent sans employeurs lors de cette période de paix qui semble s’installer pour plusieurs années. Levasseur, en quête de richesses, ne s’y résout pas et devient un pirate. Dans ses prises, le Nossa Senhora do Cabo, un vaisseau portugais qui a dans ses cales une décennie de trésors accumulés par le vice-roi portugais des Indes orientales. À l’été 1730, parce qu’il a refusé le pardon du roi qui lui imposait de restituer les fortunes prises, Levasseur est arrêté et conduit à l’échafaud…

Une incroyable aventure sous le coup de crayon précis de Jean-Yves Delitte.

1629… ou l’effroyable histoire des naufragés du Jakarta (tome 1), Xavier Dorison et Thimothée Montaigne, éd. Glénat, 136 pages, 35 €

La Buse – La chasse au trésor, Jean-Yves Delitte, éd. Glénat, 48 pages, 14,50 €

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