Le mystère de l'épave de Trompe-Sot
Les dangers maritimes portent souvent un nom qui ne doit rien au hasard… Les navigateurs qui arrivent dans le bassin de Marennes Oléron, après être passés sous le pont de l’île, doivent se méfier du banc de Trompe-Sot et effectuer une sorte de Z pour ne pas y risquer une mauvaise surprise. Nombreux sont les imprudents qui rechignent à respecter les bouées de chenal et qui doivent y attendre que la mer monte pour reprendre leur route, spectacle qui amuse toujours les ostréiculteurs du secteur en train de travailler dans leurs viviers.
En 2007, une rumeur court dans les cabanes du bassin. Les ostréiculteurs qui passent devant le banc de Trompe-Sot, au sud de Saint-Trojan, observent, au bas mer, comme les restes d’une épave tellement couverte de moules qu’on dirait presque des bouchots. Sauf qu’il n’y a jamais eu d’élevage de moules sur ce banc de sable. On en parle, on demande aux anciens s’ils connaissent l’épave, mais personne n’a souvenir de cette fortune de mer. Ainsi, si les vestiges ont vu le jour, c’est parce que le banc de sable a diminué de hauteur, contrairement à ses voisins du bassin qui ont plutôt tendance à «engraisser».
En 2008, la rumeur arrive aux oreilles d’un passionné d’histoire maritime et d’archéologie sous-marine, qui se rendra finalement sur place pour vérifier l’information lors de la maline de février dernier.
Les témoignages n’étaient pas fantaisistes, il y a bien une épave dans la pointe sud-ouest du banc de Trompe-Sot. Mais elle ne se livre pas facilement, pas assez d’eau pour plonger – ce qui ne servirait d’ailleurs pas à grand-chose avec cette visibilité quasi nulle – mais trop pour voir la quille et le fond de carène. Si l’on rajoute les moules… bien difficile de se faire une idée.
Il faudrait un très fort coefficient de marée, de l’ordre de 110 ou 115, pour qu’elle découvre complètement, or il n’y en a pas en 2008. Il s’agit à première vue d’un bateau d’une quinzaine de mètres, large de six, et qui, a priori, pourrait être une sorte de bateau de transport, grosse gabarre, double chaloupe ou simple pinasse. Est-il chevillé en bois ou en fer, ce qui est un bon indicateur de datation ? Reste-t-il des objets et des témoignages de sa fonction et de son naufrage ? Impossible de le savoir sans un travail d’investigation, qui nécessite des autorisations administratives. Les affaires maritimes de Marennes sont alors averties de cette découverte qui nomme le dépositaire de la déclaration «inventeur de l’épave», et le dossier est momentanément clos. La loi protégeant les sites archéologiques ou d’intérêt historique potentiel de toute action non autorisée, restait à se plonger dans les archives locales pour essayer d’en savoir un peu plus. Avec l’historien local trembladais Henri Moreau, et avec Pierre-Emmanuel Augé, plongeur et passionné d’archéologie sous-marine, quelques pistes s’ébauchent. En 1870, L’Albert et Blanche prend feu au sud du Château-d’Oléron, dans la nuit du 11 au 12 février. Cette gabarre venait de l’usine Saint-Gobain à Marennes et transportait de la chaux vive. En 1912, L’Espérance, venant du port de L’Aiguillon, se perd sur la pointe sud du banc de Trompe Sot. Les archives précisent qu’une bouée signale le danger. En 1923, on signale la disparition de l’épave de Trompe-Sot. En tout, vingt à trente naufrages sont situés dans ce secteur. Peut-être alors est-ce plus ancien. En1652, une cinquantaine de bâtiments, dont une quinzaine de brûlots (bâtiments en mauvais état reconvertis en engins incendiaires), participèrent à la bataille du 9 août, au large d’Oléron, entre la France et l’Espagne. Le naufrage d’importance, lors de cet affrontement, fut sans nul doute celui de la Natividad, le vaisseau amiral espagnol, brûlé et coulé avec ses 42 canons de bronze et son équipage de 300 hommes. Il attend toujours ses «inventeurs» au fond de l’eau… Une partie des bateaux ennemis s’étant réfugiés en Seudre, il fut décidé de les y poursuivre. Les 17 et 18 août, plusieurs escarmouches se produisent, en Seudre, devant Chaillevette, devant Le Château, Saint-Trojan, et dans l’ensemble du bassin. Il n’est pas impossible qu’un de ces épisodes se soit passé à Trompe-Sot.
Pour essayer d’identifier l’inconnue de Trompe-Sot, une demande de prospection pour inventaire va être prochainement déposée au département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines, pour les malines de mars 2009.
Juillet/Août 2024
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