15 ans de réclusion pour le tortionnaire d’Alexia
Le 27 mars, au terme d’un procès à huis clos, Pierre, 19 ans, a été reconnu coupable du meurtre d’Alexia, âgée de 15 ans, le 1er février 2016. Elle avait eu le malheur de refuser ses avances. Christelle de Hert, sa maman, parle de parodie de justice.
On ne le dira jamais assez, la justice n’est pas là pour apaiser la peine, la colère, ni la rancœur des victimes ou de leurs familles. Certes, mais Christelle de Hert, la maman d’Alexia, une jeune fille de 15 ans massacrée, le 1er février 2016 à la sortie du Lepmo à Saint-Trojan*, survit tous les jours avec les photos de sa fille sur la table d’autopsie, avec les mots terribles posés dans le rapport médicolégal… Le nombre de coups, la violence, le calvaire de sa fille pendant 45 minutes, sa lente agonie aussi.
Du 25 au 27 mars derniers, Christelle de Hert et sa famille proche – le procès s’est tenu à huis clos à la demande de l’accusé – ont assisté au procès du tortionnaire d’Alexia. De ces trois jours éprouvants, Christelle de Hert estime qu’il s’agit d’une perte de temps et d’argent du contribuable. «C’est comme si tout était joué d’avance. C’est comme si on avait tué ma fille une deuxième puis une troisième fois.» La deuxième fois lorsque qu’après avoir choisi les jurés, la présidente du tribunal a demandé à la maman d’Alexia si elle pouvait libérer les renforts de police prévus pour le procès ou si on pouvait s’attendre à des troubles. «Cela m’a fait tellement mal. Dans ce tribunal, c’était moi la terroriste qu’il fallait neutraliser. C’était moi qui étais dangereuse. Oui, j’avais le droit d’exploser… mais je ne l’ai pas fait par respect pour ma fille.» Christelle de Hert estime aussi que l’on a tué sa fille pour la troisième fois lorsqu’à la fin du procès on a oublié de lui rendre une partie des scellés. «Il n’y a toujours pas le portable d’Alexia et pour pouvoir le récupérer c’est à moi de faire des démarches, de faire appel… C’est insoutenable. Je n’ai reçu aucune considération de la part de la justice, excepté de la part du procureur.»
Le premier jour du procès a été compliqué face à un prévenu taciturne, sans émotion, à la limite parfois, selon elle, de l’arrogance. «C’était la journée Pierre avec des experts-psychiatres venus le défendre en essayant de trouver dans le divorce de ses parents, à trois ans, et un léger bégaiement des raisons à sa violence. Mais on ne parle pas d’un petit mec qui a été pris avec un joint. On parle d’un mec de 16 ans à l’époque des faits qui a massacré ma fille, qui, le lendemain, m’a regardé droit dans les yeux. Un mec qui a partagé mes appels désespérés sur les réseaux sociaux sur lesquels il s’est ému de la situation. D’un mec qui a participé à la marche blanche en l’honneur de ma fille. On en parle des coups de bûche sur la tête, des tentatives d’étranglement, des coups de poings, des 27 coups de couteau dont 10 après sa mort ? C’est de ce mec-là dont on parle… alors son léger bégaiement !»
Au deuxième jour du procès, Christelle de Hert a enfin pu parler de sa fille, sa Louloute. Elle a pu dire qui elle était. «Elle est née dans la douleur. Elle a subi les violences de son père, puis le harcèlement scolaire et pourtant elle était pleine de joie de vivre, pleine de compassion envers les autres, elle était à l’écoute. Elle était pleine d’amour. En regardant l’accusé dans les yeux je lui ai dit que nous étions liés à vie pour toujours : moi pour avoir mis au monde ma fille, lui pour lui avoir enlevé la vie. Je ne sais même pas s’il a compris car il n’a trahi aucune émotion. Le seul moment où il a pleuré c’est à l’énoncé du verdict, 15 ans. Mais je ne sais pas s’il a pleuré de soulagement parce qu’il risquait 30 ans ou s’il pleurait sur son sort car il va dorénavant intégrer une vraie prison.»
Un mois après la fin du procès, Christelle de Hert admet avoir été anesthésiée par ce verdict. «Pour être franche, je m’étais préparée à ce qu’il prenne encore moins, sachant tout de même qu’il ne fera jamais que 6 ans. La procureure avait été tellement convaincante dans ses réquisitions que j’y ai cru. J’ai eu ce petit espoir en me disant que peut-être finalement il aurait une peine à la hauteur du crime qu’il avait commis. Juste un petit espoir.»
L’excuse de minorité ayant été retenue, l’accusé a été condamné à 15 ans. Une peine définitive car ni lui, ni le parquet n’ont fait appel de cette décision. «A quoi bon finalement ? C’est tellement éprouvant, fatigant. Malgré toute l’énergie que j’ai mise à défendre l’honneur de ma fille, je ne souhaite pas me retrouver face à son tortionnaire.» Elle a pu, par contre, parler à son père et à sa sœur qui sont dévastés, «pas – contrairement à sa mère – parce qu’il est en prison, mais par son geste, par les conséquences qu’il a eues sur nos vies.»
De ce procès qu’elle qualifie volontiers de «parodie», Christelle a retiré une leçon : les magistrats exécutent juste les lois et ne vont pas au-delà. Alors aujourd’hui avec cette dignité et cette volonté de fer qui la caractérisent, elle souhaite faire évoluer les lois. «Il faut qu’il y ait une vraie prise en considération des victimes et adapter les peines aux crimes commis. Je ne parle pas uniquement de ce qu’a subi Alexia mais de toutes les violences, de l’ensemble des délits. Ce n’est plus possible. Il faut expliquer aux gens ce qui se passe vraiment après un tel drame : l’enfer du décor avec l’enquête de gendarmerie, les juges, le procès… Il faut mobiliser contre cette insupportable impunité. La justice doit revenir au cœur des priorités des juges. Je n’ai pas envie d’élever mes deux fils dans ce monde-là.» Un monde qui pour Evan, 11 ans, le petit frère adoré d’Alexia, est «tellement moche». «Lorsqu’il me dit cela, je lui réponds que non il y a de belles choses dans la vie, vraiment.»
La dignité, encore et toujours.
K. V.
* Voir les articles dans le JdP n° 139, 140, 145 et 152.
Juillet/Août 2024
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