Courrier des lecteurs - N°133 - Mars/Avril 2015

L’écotaxe fait toujours débat

Nous publions quelques uns des nombreux courriers reçus au sujet de l'écotaxe

De Albert de La Rochebrochard [Rueil-Malmaison], propriétaire à La Brée

«A la CdC on joue à la laitière et le pot au lait. C’est l’euphorie ! Or il ne s’agit même pas d’un projet, c’est “un avis sur le principe”. On prétend réinventer la célèbre et miraculeuse pompe à finances du Père Ubu. Mais, avec Alfred Jarry, c’était pour rire. C’était même une farce charentaise, avec une grosse cagouille dessinée sur le ventre du roi ! Attendons le projet chiffré, sans oublier, par exemple, la batterie de cars ou navettes avec leurs chauffeurs pour desservir plages et agglomérations, mais également le coût des travaux et celui de la gestion ordinaire, les bouchons devant le pont, le mécontentement général et la déplorable image de marque collée sur Oléron. Il faudra peut-être renoncer et jeter par-dessus bord tous ces beaux projets, y compris le parking géant. Ce ne sera pas la première fois qu’une étude, publique ou privée, tombe à l’eau. On s’en consolera !»

 

De Didier Robin [Coutras], propriétaire à Dolus

«IO, Indiens Oléronnais ? Ces 2 petites lettres, devenues en peu de temps le symbole de toute une population attachée à une île exceptionnelle sont-elles en train d’évoluer en sigle d’un sanctuaire par le biais d’élus, désireux de transformer le territoire qu’ils représentent pour six ans en réserve d’indiens ? Et après, que faire de ces indiens qui vont franchir le pont dans l’autre sens ? Quelques élus voudront- ils instaurer un péage continental pour ces destructeurs de routes d’un jour, pour ces pollueurs quotidiens de l’air terrien ? Que faire si les indiens se rendent à l’aéroport, à la gare ou à l’hôpital et son parking toujours complet ? Faut–il aussi les faire payer ? 

Chaque élu a-t-il le droit de faire de son territoire un refuge catégoriel sans demander l’avis des habitants ? Besoin d’argent mais le péage est-il la seule solution ? N’aurait- il pas été possible de trouver d’autres ressources ? Stationnement payant, taxe communale de séjour, utilisation plus rationnelle des deniers publics, baisse des indemnités ou non-cumul des mandats des élus.

Le rôle de l’élu reste bien de trouver les meilleures solutions, la définition des priorités dans la réalisation des projets et non la division des populations. De nos jours, il devient plus facile de se rendre en Belgique, Espagne, Angleterre ou Roumanie que de passer de Bourcefranc-le Chapus au Château-d’Oléron. Bravo qui ?»

 

Mme Antoinette Bavois-Soullard [Niort], propriétaire à Dolus, nous a envoyé un courrier adressé à Dominique Bussereau, président du Conseil général.

«Ma démarche auprès de vous est surtout motivée par le fait que M. Massicot développe une argumentation parfois fantaisiste et émet certaines idées qui s’écartent des règles énoncées à l’article L321-11 du Code de l’environnement. Voici ce qui m’a principalement alertée. Il déclare : 100 % des recettes nettes seront réinvesties sur l’île d’Oléron. Elles seront destinées à l’entretien et aux gros travaux du pont, etc. Cet usage n’est pas prévu par la législation (article L321-11 du Code de l’environnement). M. Massicot semble confondre droit départemental de passage et redevance pour services rendus. C’est probablement la conséquence d’une lecture incomplète de l’alinéa 5 de la loi précitée. Seul l’amortissement des ouvrages directement liés au péage dès lors qu’ils sont strictement nécessaires au fonctionnement de celui-ci (barrière, guérite, par exemple) peut être prélevé des recettes.  

Il écrit également : le DDP libérera ainsi de nouvelles ressources pour financer nos autres responsabilités (programme de défense des côtes, développement économique et touristique, services de sécurité et de secours, logements, etc.). Exprimée ainsi, cette phrase est très ambiguë sur l’usage qu’il veut faire des recettes du DDP. Au début de son exposé il préconise de développer massivement, pour les visiteurs d’un jour et les touristes estivaux, des alternatives à la voiture (navettes propres, liaison maritime). Puis dans un autre chapitre il souligne que les personnes qui ne veulent ou ne peuvent pas payer pourront utiliser les transports en commun propres financés grâce au DDP. Pour être efficace (et logique) cela suppose la gratuité de ces transports en commun dans toute l’île. Ainsi, ceux qui viennent pour une journée, qui ne veulent pas payer (mais le peuvent), qui n’apportent rien à l’île, seraient encore plus privilégiés grâce à ce droit de passage payé par les autres. Mais serait-il bien légal d’utiliser les recettes du DDP pour couvrir cette gratuité ? [...] Il ajoute que la loi interdit l’exonération totale pour les résidents secondaires. Cette interdiction ne figure pas plus dans la loi (article précité). Monsieur Massicot termine ses explications en présentant ce droit de passage comme une contribution de solidarité* envers la population insulaire, qui ne peut, seule, financer l’ensemble des actions de développement et d’entretien des espaces naturels oléronais.  (* expression déjà utilisée au début de son exposé pour désigner le droit départemental de passage) Non, le droit départemental de passage n’est pas une contribution de solidarité. Il n’a pas vocation à soulager l’imposition des insulaires ! Cette dernière phrase de Monsieur Massicot a de quoi faire bondir tous les résidents secondaires qui ont raison de s’insurger contre l’absence manifeste de considération envers eux.

Monsieur Massicot ne sait-il pas que la population insulaire n’est pas seule à payer des impôts locaux à Oléron ? Ne sait-il pas que la masse de la contribution fiscale des résidents secondaires est plus forte que celle des résidents permanents insulaires ? Ne sait-il pas que la taxe d’habitation des résidents secondaires est plus élevée que celle des résidents permanents insulaires du fait qu’ils n’ont droit à aucun abattement et que, au surplus, le taux de base au profit de l’Etat (sur les locaux à forte valeur locative) est bien plus élevé sur les résidences secondaires que sur les résidences principales ? Sans compter que les résidents secondaires payent également plein tarif les taxes pour enlèvement des ordures ménagères, les taxes sur l’eau, etc. alors qu’ils n’utilisent que partiellement ces services.

Regardons maintenant ce que dit la loi (article L321-11 du Code de l’environnement, alinéa 8) :

“La délibération du Conseil général peut prévoir des tarifs différents ou la gratuité, sans préjudice de la modulation éventuelle de la redevance d’usage, selon diverses catégories d’usagers pour tenir compte soit d’une nécessité d’intérêt général en rapport avec les espaces naturels protégés, soit de la situation particulière de certains usagers et, notamment, de ceux qui ont leur domicile ou leur lieu de travail dans l’île concernée, ou leur domicile dans le département concerné, soit de l’accomplissement d’une mission de service public.” Dans cette phrase rien n’interdit d’accorder la gratuité aux résidents secondaires et rien n’oblige à l’accorder aux résidents permanents.

Il y a donc lieu d’examiner ce qui peut bien donner au résident permanent une situation différente de celle du résident secondaire, assujetti aux mêmes impôts que l’insulaire, pour accorder la gratuité à l’un et pas à l’autre. La différence indiscutable est évidemment la nécessité absolue de sortir de l’île dans des cas bien précis, par exemple pour des raisons professionnelles, d’études ou des soins spécifiques fréquents. En dehors de ces situations exceptionnelles, peut-on dire qu’il y a une différence entre l’insulaire qui entre dans l’île après y être sorti sans obligation majeure (l’île dispose de toutes les commodités) et le résident secondaire qui entre dans l’île pour se rendre chez lui, dans sa maison, pour laquelle il paye, en plus des impôts locaux, des impôts fonciers sur les propriétés bâties ?  L’élaboration de la grille tarifaire ne peut pas se faire sur de simples considérations arbitraires. En toute logique, si un effort financier est demandé aux résidents secondaires il doit l’être aussi aux résidents permanents qui sont tout de même les premiers bénéficiaires des aménagements apportés dans l’île. [...]»

 

Eliane Jeslin [Chamalières], propriétaire à Dolus, nous a envoyé un courrier adressé à Pascal Massicot, président de la communauté de communes.

«En tant que propriétaire d’une résidence secondaire, les termes de cette missive ne me conviennent pas du tout. En effet, vous demandez aux visiteurs qui fréquentent votre île une contribution de solidarité envers la population insulaire. J’estime que je participe largement à cette contribution puisque je paye mes impôts : taxe foncière, taxe d’habitation et enlèvement des ordures ménagères, même si je ne vis pas toute l’année sur l’île. Combien coûtera l’installation d’une gare et au bout de combien d’années celle-ci sera-t-elle amortie ? D’autre part, chaque fois que je viens, je consomme sur place : alimentation, jardinerie, matériaux pour l’entretien de ma maison. Si je dois payer une redevance pour venir sur l’île, mes séjours seront plus rares et j’envisage de peut-être louer (ou vendre) ma maison à des étrangers qui ont la réputation de ne pas consommer sur place mais de venir avec leurs denrées et leurs matériaux. Si une majorité de résidents secondaires décident, comme moi, les commerces en pâtiront. Vous évoquez le désengagement de l’Etat mais celui-ci est général et les communes ne demandent pas encore à leurs visiteurs de payer l’octroi. Lorsque l’île aura été désertée en raison du péage instauré, empoisonnée par les boues de la Maleconche, défigurée par l’installation d’éoliennes en mer, elle ne sera plus lumineuse que de nom.»

 

De Mme Danièle Méquimon [Montreuil], propriétaire à Saint-Pierre-d’Oléron

«Après avoir pris mes vacances à Oléron depuis 1960 entre camping et locations, nous avons acheté un terrain à 1,5 km de La Cotinière en 1977, afin d’y construire une maison. C’est vous dire que nous avons complètement contribué aux frais de construction du pont. Curieusement le vendeur oléronais du terrain n’a pas semblé avoir d’état d’âme pour encaisser notre chèque d’étrangers. Il en a été de même avec tous les artisans, recrutés sur l’île, chargés de bâtir la maison. Ajoutons à cela les frais demandés par les mêmes artisans couvrant jusqu’à ce jour les dépenses d’entretien de la piscine, du jardin, de la surveillance...

Ajoutez à cela les nombreux impôts, taxes prélevés chaque année depuis bientôt 40 ans. A votre avis combien avons-nous rapporté à l’île sans parler des frais de nourriture. Tous les ans nous recevons enfants, petits et même arrière-petits-enfants, parents et amis, d’année en année, le nombre augmente et malgré cela nous continuons à faire nos courses à Saint-Pierre alors que nous payons, par exemple, le poisson pêché à La Cotinière plus cher qu’à Rochefort. Et maintenant, vous pensez vraiment que nous allons accepter de payer pour pouvoir entrer chez nous ?  A chaque fois qu’il nous prendra l’envie de faire un tour sur le continent va-t-il falloir rembourser enfants et amis, s’il leur prend l’idée de venir nous rendre visite ?

Désolée si vous trouvez que nous usons vos routes, pas très bien entretenues d’ailleurs. Je pense plutôt que nous contribuons fortement à votre économie. La preuve en est que bizarrement, l’hiver, restaurants et magasins sont en grande partie fermés, l’argent des baignasous faisant grandement défaut. Vous vous insurgez contre les visiteurs d’une journée qui ne rapportent rien, à part leurs ordures. Pour une mère de famille de cinq ou six personnes, qu’est-ce qui est le plus rentable ? Un panier de pique-nique bien garni ou des sandwichs achetés sur l’île ? Quant aux ordures ? Etes-vous bien sûr de ne jamais rien laisser derrière vous quand vous allez visiter Versailles ou Chambord. Bravo pour la super idée d’inviter les visiteurs à laisser leur voiture à l’entrée du pont (il faudra prévoir des parkings... payants ?) pour prendre un bus. Qui ira où ? Ou bien un vélo – avec le bébé et la grand-mère ? C’est du grand n’importe quoi. Toutes les communes de France sont au même régime. Elles touchent moins de dotations et si on vous faisait payer à chaque entrée de village sur le continent ? ça s’appelait l’octroi autrefois. ça va nous rajeunir. Enfin encore un grand merci pour votre hospitalité. Que ferez-vous quand toutes les vaches à lait décideront de revendre leur maison ? Ah, bien sûr, vous aurez de quoi vous loger ! Il y aura de la place. Au fait, à qui devez-vous l’augmentation des terrains si ce n’est aux propriétaires ? C’est évidement plus rentable de faire payer le prix fort aux indésirables puisqu’ils acceptent de payer plus cher. Malheureusement quand une bonne partie des résidences secondaires auront disparu il est à craindre que la construction d’innombrables grandes surfaces ne soit plus très rentable. Je trouve navrant de voir ressortir cette espèce d’ostracisme envers les gens du continent. Ce refus des autres devient à la mode et c’est bien dommage. Dommage aussi de penser que dans quelques années il faudra admirer les couchers de soleil de La Cotinière à travers des éoliennes. Même si nous ne votons pas à Oléron, nous estimons avoir le droit de donner notre avis, mais monnaie monnaie quand tu nous tiens !»

 

 



Nous avons reçu beaucoup de courriers et d’e-mails concernant les projets d’écotaxe et d’éoliennes. Nous ne pouvons pas tous les publier. Nous remercions Mme Lydie Parmentier [Saint-Cyr-l’Ecole], M. Jean Le Bihan [Bourdonne], propriétaire à Dolus, J-P de Dolus, Mme Pierrette Uliana [Talence], propriétaire au Château, M. Francis Auvergnon [Chaville], propriétaire à Saint-Georges, M. Alain Leloup, Mikeg par e-mail, M. Jean-Pierre Milpied [Mailly-la-Ville], propriétaire à La Brée, M. Michel Bertrand, Hélène par e-mail, M. Gérard Gauduchon [Niort], propriétaire à Grand-Village, M. Bernard Dewanckel [Meylan], propriétaire à Saint-Georges, M. J.-P. Bois [Angers], propriétaire à La Cotinière, et M. et Mme Gengembre [Rivière], propriétaires à La Cotinière.

 
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