Histoire - N°100 - Septembre/Octobre 2009
Un bac à chaînes ou un transbordeur pour Oléron en 1913 ?
A partir de
1911, les conseillers généraux de l’île
mettent en avant la question d’un pont ou d’un
transbordeur pour relier Oléron au continent. En 1913, deux
projets sont en concurrence pour obtenir l’accord et une
concession du département de la Charente-Inférieure.
Qui du projet du pont transbordeur ou du bac à chaînes
aura les faveurs de la commission locale chargée de juger
les candidatures ?
Au début du xxe siècle, l’île d’Oléron est dotée d’un réseau de chemin de fer reliant du nord au sud les différentes communes de l’île. Seule la question d’un franchissement plus facile et rapide du pertuis de Maumusson demeure. A ce sujet, M. Voyer, conseiller général de l’île d’Oléron, émet le vœu lors de la session d’avril 1911 du Conseil général «à ce que des études soient faites, par les ingénieurs des Ponts & Chaussées, dans le but de construire un pont ou un transbordeur à la Pointe du Chapus, pour relier l’île d’Oléron au continent». Les ponts transbordeurs fleurissent alors en France depuis que leur inventeur, Ferdinand Arnodin, en a expérimenté la construction depuis 1887. Il réalise, entre 1898 et 1900, le pont transbordeur du Martrou pour faciliter le passage de la Charente à Rochefort. L’idée est pourtant abandonnée dès octobre suite à la réponse de l’ingénieur des Ponts & Chaussées. «La question d’un pont à transbordeur à construire entre l’île d’Oléron et la côte avait été étudiée par M. Renodin, constructeur spécialiste de ce genre d’ouvrages, mais ces études, très sommaires, ne permettent pas de fixer ni la dépense à engager, qui apparaît considérable, ni les conditions d’établissement, qui seraient extrêmement délicates. Nous estimons que ce projet, hors de proportion avec les intérêts qu’il serait appelé à desservir, n’est susceptible d’aucune suite de la part de l’administration.» M. Voyer regrette vivement les conclusions de l’ingénieur lors de la session du Conseil général d’avril 1912. Au mois d’août suivant, le Conseil général décide une étude approfondie de «la question d’établissement d’un moyen de transport rapide, facile et constant entre l’île d’Oléron et le continent» afin de satisfaire au souhait de tous et mettre fin aux différents débats qui ne cessent de fleurir sur le sujet. Les constructeurs et candidats éventuels se font alors connaître auprès du département et de l’administration des Ponts & Chaussées. Le premier à prendre contact est l’ingénieur Noël, basé à Plougastel-Daoulas dans le Finistère, qui écrit tout le bien-fondé de son système de bac à chaînes le 16 août 1912 à l’ingénieur des Ponts & Chaussées à La Rochelle. M. Noël est chargé des travaux du nouveau bac, un bac à chaînes, pour le passage de la Seudre. Il insiste sur le fait que « le jour prochain où fonctionnera le bac de La Tremblade, la preuve sera faite pour les habitants de la région de Marennes de ce que l’on peut et doit faire au Chapus en appropriant le bac transbordeur à construire aux nécessités et aux besoins du service à effectuer entre le Chapus et l’île d’Oléron. Il faut bien se rendre compte qu’un bac de mon système est un véritable transbordeur actionné par des chaînes immergées au lieu d’être soutenu par des câbles nécessitant une armature en élévation très coûteuse d’une durée très limitée près de la mer, ne pouvant effectuer de passage que sur une longueur assez restreinte nécessitant par suite la construction de terre-pleins très coûteuse.»
En avril 1913, l’ingénieur en chef écrit au département avoir reçu «la visite de deux ingénieurs envoyés par M. Wickersheimer en vue de la préparation d’un projet de transbordeur. Dans la seconde visite, on nous a montré les dessins d’un ouvrage paraissant étudié avec soin et suffisants pour constituer un premier avant-projet.» Ces deux projets aux technologies différentes sont alors en concurrence. Le Conseil général désigne une commission spéciale de cinq membres en avril pour étudier la question. Cette commission est composée de personnalités locales, à savoir le sénateur Perreau, le député Voyer, les conseillers généraux de l’île d’Oléron, MM. Polony et Massé, et l’ingénieur des Ponts & Chaussées. Elle se réunit le 19 juin 1913 au Chapus en présence des deux auteurs des projets, M. Noël et M. Wickersheimer, représentant de la Société anonyme de transports et manutentions automatiques.
Mais deux jours avant la tenue de la réunion, le Syndicat des inscrits maritimes étant informé d’une construction éventuelle d’un pont transbordeur fait entendre que «cette construction en changeant les courants amènerait l’envasement et la disparition complète des parcs à huîtres et par conséquent ruinerait l’industrie ostréicole, et toute une population maritime». Tout en reconnaissant la nécessité de relier l’île au continent, le Syndicat fait entendre qu’il est pour le projet qui ne portera aucun préjudice à l’industrie ostréicole.
Projet du bac à chaînes
M. Noël présente alors son mémoire et les plans de l’ouvrage projeté. Il propose du côté du Chapus une passerelle en ciment, formée de travées de 4 et 8 m sur une longueur totale de 364,20 m. Cette passerelle se termine par une cale d’accostage de 100 m de long avec une pente de 7 centimètres par mètre. Du côté d’Ors, l’ouvrage comporte une digue pleine de 500 m de longueur suivie d’une digue avec percées de 400 m. Puis une passerelle de 468,28 m permet d’atteindre une cale d’accostage aux mêmes caractéristiques que celle du côté du Chapus. Entre les deux opérerait le bac à chaînes pour relier le continent à l’île. Les membres de la commission font observer que «le bac à chaînes, constamment en mouvement dans la passe, entravera forcément à basse mer la circulation des bateaux fort nombreux au premier flot et au jusant, à l’aller et au retour des parcs à huîtres», de plus «la passerelle établie du côté du Chapus ne permettra pas aux petits bateaux à voile de passer entre le Chapus et le fort à moins de baisser leurs mâts ou de se livrer à des manœuvres spéciales toujours dangereuses en raison du courant qui existe sur ce point». Une remarque technique concerne le système des cales qui modifiera le régime des courants pouvant alors entraîner la formation de bancs de sable dans le coureau. L’accès au bac «sera difficile aux attelages du pays, peu habitués aux rampes, de les franchir. Ensuite malgré leur entretien, elles seront toujours très glissantes, par le jeu des marées sur leur surface». Si le système de l’appareil a fait ses preuves, notamment dans les rivières même soumises aux fluctuations des marées, les membres craignent que le bac à chaînes ne soit pas plusieurs heures par jour en état de fonctionner au moment de la basse mer. La partie financière du projet est ensuite abordée. Les conditions proposées par M. Noël ne semblent pas pouvoir être acceptées, notamment la demande d’une provision annuelle d’indemnité à payer par le département qui «est de nature à faire écarter de prime abord le projet, en dehors des inconvénients que nous avons déjà signalés», exposent les conseillers généraux.
Projet du pont transbordeur
Le projet d’Emile Wickersheimer n’a pas, quant à lui, de contrainte au point de vue de la navigation. Entre le Chapus et le fort, une digue formée de rangées de voûtes et un pont suspendu de 100 m d’ouverture et de 5 m au-dessus des plus hautes mers permet à toutes les petites embarcations de passer. Puis la seconde partie entre le fort Chapus est formée de rangées de voûtes et d’un deuxième pont laissant libre un passage de 200 m puis «le transbordeur d’une longueur de 270 m, laissant un passage libre de 200 m dans la grande passe au Coureau large de 7 m, avec 35 m de hauteur au-dessus des plus hautes mers de vives eaux ce qui permet à tout moment le passage des voiliers les plus haut mâtés.» Enfin pour rejoindre Ors, la digue est également surhaussée et formé de 18 voûtes de 25 m d’ouverture. Pour résumé, le projet représente une longueur de 2161,5 m dont seulement 271,5 m de plein, ce qui n’entrave pas alors le passage des eaux. L’ouvrage ne peut en rien modifier les courants puisqu’on maintient le passage libre aux trois passes. La largeur de la digue serait de 7,5 m, composée d’une chaussée de 6 m et de trottoirs de chaque côté. La chaussée accueillerait une voie de chemin de fer à écartement normal pour le passage des wagons de l’Etat et un troisième rail formerait une voie d’un mètre pour le passage des wagons des chemins de fer économiques. Une centrale électrique serait établie «dans le fort désaffecté du Chapus dont l’extérieur, dans son ensemble, sera entièrement respecté» et pourrait fournir l’éclairage électrique dans l’île d’Oléron et les communes avoisinantes ainsi qu’une force motrice Le tramway devant relier la gare du Chapus à la gare d’Ors serait à trolley.
Les prix de passage et les tarifs de transport proposés sont en moyenne d’un tiers inférieurs aux tarifs de la compagnie oléronaise qui assure alors le service des traversées. Le concessionnaire propose également d’établir en plus une installation frigorifique, une usine de glace capable de produire journellement 28 tonnes de glace. «Mais ce qui ne peut manquer d’intéresser le Conseil général, c’est que M. Wickersheimer ne demande aucune subvention au département, il accepte de faire la construction à ses risques et périls.» En conclusion, «la commission propose d’écarter le projet de bac à chaînes et d’accepter celui qui est relatif au pont à transbordeur pour des raisons d’ordre maritime et financier, et aussi parce qu’il présente les moyens les plus faciles et les plus rapides d’assurer les communications entre l’île et le continent et qu’il donne satisfaction à la population de l’île qui s’est nettement prononcée en faveur du transbordeur».
D’autres voix s’élèvent pourtant contre ce projet. Le Journal de Marennes rapporte que «les habitants du sud de l’île se joignent à ceux du nord en repoussant l’idée d’un transbordeur. Ils veulent un pont qui seul peut assurer la communication constante et ininterrompue avec le continent.» Le conseiller général Massé reconnaît que «sans doute un pont serait le moyen le plus sûr de rendre les communications faciles et rapides. […] On y a pensé. Mais le projet n’aboutirait pas. Un pont nécessiterait des viaducs d’accès qui se chiffreraient par des dizaines de millions. Il doit donc être considéré comme impraticable au point de vue financier. De plus nous savons, par expérience, que le transbordeur de Martrou est d’un usage pratique.»
Lors de la séance du 20 août 1913, le Conseil général est d’avis «d’accorder la concession de l’établissement d’un pont à transbordeur entre l’île d’Oléron et le continent» pour une durée de 60 années à M. Wickesheimer associé pour la construction de l’ouvrage à M. Arnodin, «bien connu dans le département et en France pour la construction des transbordeurs dont il a le brevet». Le président du Conseil général précise une nouvelle fois que «la responsabilité du département, au point de vue pécuniaire, n’est engagée en aucune façon». Le conseiller général M. Voyer se félicite de ces conclusions et rapporte que «ce transbordeur est appelé à rendre des services considérables au point de vue économique et même au point de vue de la défense nationale, le projet est à la veille s’être solutionné, puisqu’il va entrer dans la période d’exécution.» Malheureusement, ce que le conseiller ignore, c'est que la France est à la veille du premier conflit mondial. Le début des hostilités va mettre un terme au projet du pont transbordeur comme de bien d’autres projets en 1914.
Christophe Bertaud
Légendes des photos, de haut en bas :
Le bac à chaînes construit par M. Noël pour le passage de la Seudre est mis en service en juin 1914 (Collection particulière C. Bertaud).
Le pont transbordeur du Martrou construit par M. Arnodin entre 1898 et 1900 et classé monument historique en 1976 est aujourd’hui le dernier témoin des ponts transbordeurs en France (Médiathèque Michel Crépeau – La Rochelle).
Au début du xxe siècle, l’île d’Oléron est dotée d’un réseau de chemin de fer reliant du nord au sud les différentes communes de l’île. Seule la question d’un franchissement plus facile et rapide du pertuis de Maumusson demeure. A ce sujet, M. Voyer, conseiller général de l’île d’Oléron, émet le vœu lors de la session d’avril 1911 du Conseil général «à ce que des études soient faites, par les ingénieurs des Ponts & Chaussées, dans le but de construire un pont ou un transbordeur à la Pointe du Chapus, pour relier l’île d’Oléron au continent». Les ponts transbordeurs fleurissent alors en France depuis que leur inventeur, Ferdinand Arnodin, en a expérimenté la construction depuis 1887. Il réalise, entre 1898 et 1900, le pont transbordeur du Martrou pour faciliter le passage de la Charente à Rochefort. L’idée est pourtant abandonnée dès octobre suite à la réponse de l’ingénieur des Ponts & Chaussées. «La question d’un pont à transbordeur à construire entre l’île d’Oléron et la côte avait été étudiée par M. Renodin, constructeur spécialiste de ce genre d’ouvrages, mais ces études, très sommaires, ne permettent pas de fixer ni la dépense à engager, qui apparaît considérable, ni les conditions d’établissement, qui seraient extrêmement délicates. Nous estimons que ce projet, hors de proportion avec les intérêts qu’il serait appelé à desservir, n’est susceptible d’aucune suite de la part de l’administration.» M. Voyer regrette vivement les conclusions de l’ingénieur lors de la session du Conseil général d’avril 1912. Au mois d’août suivant, le Conseil général décide une étude approfondie de «la question d’établissement d’un moyen de transport rapide, facile et constant entre l’île d’Oléron et le continent» afin de satisfaire au souhait de tous et mettre fin aux différents débats qui ne cessent de fleurir sur le sujet. Les constructeurs et candidats éventuels se font alors connaître auprès du département et de l’administration des Ponts & Chaussées. Le premier à prendre contact est l’ingénieur Noël, basé à Plougastel-Daoulas dans le Finistère, qui écrit tout le bien-fondé de son système de bac à chaînes le 16 août 1912 à l’ingénieur des Ponts & Chaussées à La Rochelle. M. Noël est chargé des travaux du nouveau bac, un bac à chaînes, pour le passage de la Seudre. Il insiste sur le fait que « le jour prochain où fonctionnera le bac de La Tremblade, la preuve sera faite pour les habitants de la région de Marennes de ce que l’on peut et doit faire au Chapus en appropriant le bac transbordeur à construire aux nécessités et aux besoins du service à effectuer entre le Chapus et l’île d’Oléron. Il faut bien se rendre compte qu’un bac de mon système est un véritable transbordeur actionné par des chaînes immergées au lieu d’être soutenu par des câbles nécessitant une armature en élévation très coûteuse d’une durée très limitée près de la mer, ne pouvant effectuer de passage que sur une longueur assez restreinte nécessitant par suite la construction de terre-pleins très coûteuse.»
En avril 1913, l’ingénieur en chef écrit au département avoir reçu «la visite de deux ingénieurs envoyés par M. Wickersheimer en vue de la préparation d’un projet de transbordeur. Dans la seconde visite, on nous a montré les dessins d’un ouvrage paraissant étudié avec soin et suffisants pour constituer un premier avant-projet.» Ces deux projets aux technologies différentes sont alors en concurrence. Le Conseil général désigne une commission spéciale de cinq membres en avril pour étudier la question. Cette commission est composée de personnalités locales, à savoir le sénateur Perreau, le député Voyer, les conseillers généraux de l’île d’Oléron, MM. Polony et Massé, et l’ingénieur des Ponts & Chaussées. Elle se réunit le 19 juin 1913 au Chapus en présence des deux auteurs des projets, M. Noël et M. Wickersheimer, représentant de la Société anonyme de transports et manutentions automatiques.
Mais deux jours avant la tenue de la réunion, le Syndicat des inscrits maritimes étant informé d’une construction éventuelle d’un pont transbordeur fait entendre que «cette construction en changeant les courants amènerait l’envasement et la disparition complète des parcs à huîtres et par conséquent ruinerait l’industrie ostréicole, et toute une population maritime». Tout en reconnaissant la nécessité de relier l’île au continent, le Syndicat fait entendre qu’il est pour le projet qui ne portera aucun préjudice à l’industrie ostréicole.
Projet du bac à chaînes
M. Noël présente alors son mémoire et les plans de l’ouvrage projeté. Il propose du côté du Chapus une passerelle en ciment, formée de travées de 4 et 8 m sur une longueur totale de 364,20 m. Cette passerelle se termine par une cale d’accostage de 100 m de long avec une pente de 7 centimètres par mètre. Du côté d’Ors, l’ouvrage comporte une digue pleine de 500 m de longueur suivie d’une digue avec percées de 400 m. Puis une passerelle de 468,28 m permet d’atteindre une cale d’accostage aux mêmes caractéristiques que celle du côté du Chapus. Entre les deux opérerait le bac à chaînes pour relier le continent à l’île. Les membres de la commission font observer que «le bac à chaînes, constamment en mouvement dans la passe, entravera forcément à basse mer la circulation des bateaux fort nombreux au premier flot et au jusant, à l’aller et au retour des parcs à huîtres», de plus «la passerelle établie du côté du Chapus ne permettra pas aux petits bateaux à voile de passer entre le Chapus et le fort à moins de baisser leurs mâts ou de se livrer à des manœuvres spéciales toujours dangereuses en raison du courant qui existe sur ce point». Une remarque technique concerne le système des cales qui modifiera le régime des courants pouvant alors entraîner la formation de bancs de sable dans le coureau. L’accès au bac «sera difficile aux attelages du pays, peu habitués aux rampes, de les franchir. Ensuite malgré leur entretien, elles seront toujours très glissantes, par le jeu des marées sur leur surface». Si le système de l’appareil a fait ses preuves, notamment dans les rivières même soumises aux fluctuations des marées, les membres craignent que le bac à chaînes ne soit pas plusieurs heures par jour en état de fonctionner au moment de la basse mer. La partie financière du projet est ensuite abordée. Les conditions proposées par M. Noël ne semblent pas pouvoir être acceptées, notamment la demande d’une provision annuelle d’indemnité à payer par le département qui «est de nature à faire écarter de prime abord le projet, en dehors des inconvénients que nous avons déjà signalés», exposent les conseillers généraux.
Projet du pont transbordeur
Le projet d’Emile Wickersheimer n’a pas, quant à lui, de contrainte au point de vue de la navigation. Entre le Chapus et le fort, une digue formée de rangées de voûtes et un pont suspendu de 100 m d’ouverture et de 5 m au-dessus des plus hautes mers permet à toutes les petites embarcations de passer. Puis la seconde partie entre le fort Chapus est formée de rangées de voûtes et d’un deuxième pont laissant libre un passage de 200 m puis «le transbordeur d’une longueur de 270 m, laissant un passage libre de 200 m dans la grande passe au Coureau large de 7 m, avec 35 m de hauteur au-dessus des plus hautes mers de vives eaux ce qui permet à tout moment le passage des voiliers les plus haut mâtés.» Enfin pour rejoindre Ors, la digue est également surhaussée et formé de 18 voûtes de 25 m d’ouverture. Pour résumé, le projet représente une longueur de 2161,5 m dont seulement 271,5 m de plein, ce qui n’entrave pas alors le passage des eaux. L’ouvrage ne peut en rien modifier les courants puisqu’on maintient le passage libre aux trois passes. La largeur de la digue serait de 7,5 m, composée d’une chaussée de 6 m et de trottoirs de chaque côté. La chaussée accueillerait une voie de chemin de fer à écartement normal pour le passage des wagons de l’Etat et un troisième rail formerait une voie d’un mètre pour le passage des wagons des chemins de fer économiques. Une centrale électrique serait établie «dans le fort désaffecté du Chapus dont l’extérieur, dans son ensemble, sera entièrement respecté» et pourrait fournir l’éclairage électrique dans l’île d’Oléron et les communes avoisinantes ainsi qu’une force motrice Le tramway devant relier la gare du Chapus à la gare d’Ors serait à trolley.
Les prix de passage et les tarifs de transport proposés sont en moyenne d’un tiers inférieurs aux tarifs de la compagnie oléronaise qui assure alors le service des traversées. Le concessionnaire propose également d’établir en plus une installation frigorifique, une usine de glace capable de produire journellement 28 tonnes de glace. «Mais ce qui ne peut manquer d’intéresser le Conseil général, c’est que M. Wickersheimer ne demande aucune subvention au département, il accepte de faire la construction à ses risques et périls.» En conclusion, «la commission propose d’écarter le projet de bac à chaînes et d’accepter celui qui est relatif au pont à transbordeur pour des raisons d’ordre maritime et financier, et aussi parce qu’il présente les moyens les plus faciles et les plus rapides d’assurer les communications entre l’île et le continent et qu’il donne satisfaction à la population de l’île qui s’est nettement prononcée en faveur du transbordeur».
D’autres voix s’élèvent pourtant contre ce projet. Le Journal de Marennes rapporte que «les habitants du sud de l’île se joignent à ceux du nord en repoussant l’idée d’un transbordeur. Ils veulent un pont qui seul peut assurer la communication constante et ininterrompue avec le continent.» Le conseiller général Massé reconnaît que «sans doute un pont serait le moyen le plus sûr de rendre les communications faciles et rapides. […] On y a pensé. Mais le projet n’aboutirait pas. Un pont nécessiterait des viaducs d’accès qui se chiffreraient par des dizaines de millions. Il doit donc être considéré comme impraticable au point de vue financier. De plus nous savons, par expérience, que le transbordeur de Martrou est d’un usage pratique.»
Lors de la séance du 20 août 1913, le Conseil général est d’avis «d’accorder la concession de l’établissement d’un pont à transbordeur entre l’île d’Oléron et le continent» pour une durée de 60 années à M. Wickesheimer associé pour la construction de l’ouvrage à M. Arnodin, «bien connu dans le département et en France pour la construction des transbordeurs dont il a le brevet». Le président du Conseil général précise une nouvelle fois que «la responsabilité du département, au point de vue pécuniaire, n’est engagée en aucune façon». Le conseiller général M. Voyer se félicite de ces conclusions et rapporte que «ce transbordeur est appelé à rendre des services considérables au point de vue économique et même au point de vue de la défense nationale, le projet est à la veille s’être solutionné, puisqu’il va entrer dans la période d’exécution.» Malheureusement, ce que le conseiller ignore, c'est que la France est à la veille du premier conflit mondial. Le début des hostilités va mettre un terme au projet du pont transbordeur comme de bien d’autres projets en 1914.
Christophe Bertaud
Légendes des photos, de haut en bas :
Le bac à chaînes construit par M. Noël pour le passage de la Seudre est mis en service en juin 1914 (Collection particulière C. Bertaud).
Le pont transbordeur du Martrou construit par M. Arnodin entre 1898 et 1900 et classé monument historique en 1976 est aujourd’hui le dernier témoin des ponts transbordeurs en France (Médiathèque Michel Crépeau – La Rochelle).
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