Martinet noir, le maître des airs
Le martinet noir* est l’oiseau migrateur dont le retour symbolise le plus l’arrivée des beaux jours, de l’été, plus encore que les hirondelles avec lesquelles il est souvent confondu. Pourtant, son corps gris-noir fuselé, de longues ailes pointues et arquées en forme de faux, et son vol direct permettent rapidement de le reconnaître. Par les chaudes journées d’été, ses cris stridents et ses poursuites effrénées en bandes de plusieurs dizaines d’individus dans les rues des villes et villages ôtent tout doute quant à son identification. Il est visible partout en France de mi-avril à mi-août.
Ce qui rend le martinet noir unique, c’est qu’il passe la quasi-totalité de sa vie à voler, de jour comme de nuit et toute l’année. Il faut dire que tout son corps est parfaitement adapté à ce mode de vie. Si il plane généralement entre 20 et 40 km/h, il peut accélérer jusqu’à 110 km/h en vol horizontal. Il est même capable de voler quelques secondes sur le dos pour capturer un insecte. Avec une espérance de vie allant jusqu’à 20-30 ans, il va ainsi parcourir une distance équivalente à plus de 100 fois le tour de la terre !
Son œil est protégé par des plumes qui pivotent sur elles-mêmes, filtrant les particules soulevées par le vent, et sa rétine comporte autant de cellules en bâtonnet que de cellules en cône lui permettant ainsi de voir aussi bien de jour que de nuit.
Il mange en volant ; si son bec est petit en revanche il ouvre très largement sa bouche pour capturer des insectes d’une taille comprise entre 2 et 20 mm. Il ne fait d’ailleurs pas que manger, c’est aussi ainsi qu’il récolte les matériaux transportés par le vent : végétaux, papier, plumes… nécessaires à la confection de son nid rudimentaire et agglutinés par de la salive. Il boit également en volant, en rasant l’eau façon Canadair, le bec largement ouvert fendant la surface de l’eau. Il s’accouple aussi envolant. Et la nuit, il dort en volant, s’élevant à environ 2 000 ou 3 000 m d’altitude pour un demi-sommeil en vol glissé alternant avec de lents battements d’ailes.
Ses pattes sont très courtes, avec quatre doigts dirigés vers l’avant et munis de griffes acérées lui permettant de s’accrocher aisément aux parois les plus lisses. À l’origine le martinet noir nichait dans les failles des falaises et dans les vieux arbres. Aujourd’hui il est devenu urbain et a su mettre à profit les vieux bâtiments, nichant essentiellement sous les toits. Avec leur mode de vie grégaire, ils nichent en colonies et sont fidèles à leur partenaire ainsi qu’à leur site de nidification. La femelle pond deux ou trois œufs entièrement blancs (ils sont ainsi plus visibles dans l’obscurité du nid) couvés par les deux partenaires. Les conditions météo ont un impact important sur la survie des poussins. Lors de très mauvaises conditions, pluie ou froid prolongés, ils entrent en léthargie et peuvent ainsi survivre plus de neuf jours. En revanche, lors des étés caniculaires que nous connaissons depuis quelques années, les jeunes ne supportant plus la chaleur suffocante se jettent hors du nid et se retrouvent au sol. Les centres de soins sont alors saturés par l’afflux de jeunes martinets noirs qu’il faudra nourrir à la main jusqu’à ce qu’ils soient capables de prendre leur envol.
La menace essentielle qui repose sur le martinet noir, en dehors de la disparition des insectes due aux pesticides, c’est la raréfaction des sites de nidification lors de la réhabilitation ou de la rénovation des bâtiments anciens. Toutes les ouvertures sont alors colmatées et il ne reste pas la moindre fissure ou anfractuosité où il puisse nicher. Il est possible de remédier à cela en installant, après rénovation, des nichoirs spécifiques à l’espèce sous les bordures de toit. Cela peut se faire aussi bien pour un particulier que pour un immeuble et être prévu dès le début des travaux lorsque l’on en a connaissance. La LPO peut alors vous aider à conduire cette médiation avec le propriétaire des lieux.
Yann Hermieu
Photo © Aurélien Audevard / LPO
*Deux autres espèces de martinet vivent en France : le martinet pâle qui vit autour de la Méditerranée, et le martinet à ventre blanc, de la taille d’un faucon et plus montagnard (Pyrénées, Massif central, Alpes).