L’Oléron des Parisiens
En 1935, l’Union Amicale Oléronnaise est créée à Paris «pour donner une forme concrète et précise à l’idée que nous avions de nous retrouver entre Oléronnais de Paris». Les buts sont alors d’établir et resserrer les liens entre ceux qui fréquentent et aiment Oléron, favoriser la prospérité générale de l’île d’Oléron sans aucune préoccupation et parti pris politique.
La première assemblée générale de l’Union Amicale Oléronnaise (UAO) se tient en mars 1935 à Paris dans les salons du restaurant Noël-Peter’s sous la présidence de Maurice Renard. Quelques mois plus tôt, cette association s’est constituée «pour l’amour de l’île d’Oléron dans un rapport d’amitié» autour de quelques personnes, Maurice Renard, Jean Carre, Paul Rouillon, M. Schubler et Auguste Kesler. «Nous sommes tous, ici, liés à Oléron par des raisons les plus diverses, soit que certains en soient originaires soit que les autres fréquentent l’île en touristes, soit encore que leurs intérêts les y attachent. Mais quelques motifs que nous ayons, nous considérons Oléron comme notre petite patrie. Quand la dure vie de Paris influe sur nos sentiments, nous avons tendance à nous considérer comme des exilés et alors nous laissons voguer nos esprits nostalgiques vers les rives oléronnaises en réfrénant l’impatience que nous avons de les revoir au plus tôt. Quoi de plus naturel dans ces conditions que nous nous soyons regroupés.» Le président Maurice Renard est un écrivain et auteur d’une vingtaine de romans dont certains succès en romans feuilleton pour le journal parisien Le Matin puis vice-président de la Société des gens de lettres. Il est également un des pionniers de la science-fiction française. Il tombe amoureux de l’île d’Oléron en 1924 lors de sa première visite et sa seconde épouse achète une maison à Dolus-d’Oléron en 1932. Il écrit quelques contes sur son île adorée dont La jeune fille du yacht (1930), véritable hymne à Oléron dans le supplément littéraire de L’Illustration. D’autres romans situent alors une partie de leur action dans l’île d’Oléron ou l’île d’Aix comme Le maître de la lumière (1933) ou bien Une rose sous l’orage (1936). Une vingtaine de nouvelles ont trait à l’île d’Oléron dont notamment Alain ou bien Quand les poules avaient des dents, une nouvelle de science-fiction. Sa découverte de l’île aura changé sa vie, ce qui explique son implication dans la fondation de l’association parisienne des amoureux d’Oléron.
Même si le tourisme et la publicité pour faire connaître l’île se développent, l’Union Amicale Oléronnaise constate néanmoins «qu’Oléron est encore une terre ignorée située par les uns sur la Méditerranée, par les autres en vue des côtes de Bretagne, et par d’autres encore, Dieu sait où».
Lors de la première assemblé générale, l’association présente la devise de l’Union à la centaine d’adhérents qui l’ont rejointe en à peine deux mois : Amicalement – Utilement – Gaiement. Rapidement l’Union s’est mise au travail : «Nous avons pris nos dispositions pour que des plaques indicatrices soient placées sur les routes d’Oléron, aux endroits où leur présence sera particulièrement utile. Ces plaques sont offertes par l’Union Amicale Oléronnaise à l’ingénieur chargé du service vicinal ou aux maires qui en feront la demande.»
L’association fourmille d’idées. Elle souhaite mettre en place un bulletin puis à court terme un journal mais aussi une nouvelle carte de l’île d’Oléron, «nous la voulons claire et précise et susceptible d’être vraiment utile aux touristes». Elle offre également aux municipalités de Saint-Pierre-d’Oléron et du Château-d’Oléron les œuvres de Pierre Loti, l’Oléronais le plus célèbre à Paris. Des personnalités charentaises adhèrent à l’Union comme l’archiviste du département, de Vaux de Foletier, ou bien Christian Mörch, président de la chambre de commerce de La Rochelle.
La première assemblée générale se termine joyeusement «autour d’une table fleurie du mimosa oléronnais en dégustant de délicieuses huîtres de claires en provenance directe. On échangea des souvenirs sur Oléron, on fit des projets, chacun trouvant un mot pour vanter le charme de notre chère île.» Pendant la saison estivale, les membres de l’UAO ont un déjeuner mensuel dans divers restaurants de l’île.
A la sortie de la saison d’été, l’UAO «s’est fortement émue de la diminution du nombre de touristes venant dans l’île d’Oléron, et fidèle à ses buts, elle a fait une étude des facteurs d’ordre économique et moral qui ont influé sur cette diminution». Elle propose alors à ses membres une série d’actions à entreprendre pour développer et accueillir le tourisme : prêter son concours aux communes pour l’entretien et la conservation des monuments historiques, favoriser les travaux d’édilité susceptibles d’agrémenter la visite du pays, améliorer les travaux des adductions d’eau et d’évacuation des eaux usées car l’absence d’hygiène et de commodité est préjudiciable, amélioration de tous les transports pour accéder et se déplacer sur l’île, être vigilant contre les panneaux-réclame «pour éviter que la publicité ne dépare du paysage et parfois même déshonore les plus beaux de nos bâtiments» et accentuer les campagnes de publicité en faveur d’Oléron par la diffusion d’affiches, tracts, vignettes ou dépliants. Un sociétaire expose qu’en raison du manque de renseignements et d’indications, les curiosités de l’île ne sont pas connues des touristes. «Il y a, paraît-il, des dolmens à Dolus, mais personne n’a pu m’indiquer leur emplacement.» Un autre membre souhaite recueillir auprès des maires ou des instituteurs les vieilles légendes d’Oléron, de signaler les mœurs, les coutumes, les traditions capables d’éclairer les visiteurs sur la vie profonde d’Oléron. En mars 1936, le rapport moral de l’UAO se félicite des progrès accomplis même si tout le programme ambitieux n’a pu être entièrement réalisé mais «nos interventions en faveur de l’île ont été nombreuses. Il est possible que la population oléronnaise ne s’en soit pas toujours aperçue parce que nous avons tenu à agir toujours avec discrétion.» En novembre l’accent est mis «sur les constructions invraisemblables qui, chaque jour, s’élèvent dans l’île. Le caractère d’Oléron réside, en grande partie, dans l’originalité et la particularité des maisons oléronnaises. Il n’est pas question, bien évidemment, d’imposer aux futurs constructeurs un type standard, mais il semble possible, tout en ne sacrifiant rien au confort et au modernisme, de respecter la ligne si belle et si spéciale des maisons oléronnaises.»
L’UAO suit attentivement les articles parus dans la presse et les revues spécialisées parlant de l’île d’Oléron et ne manque pas de faire part de leurs compliments ou bien de leurs reproches et désapprobations aux auteurs d’articles désavantageux pour Oléron. L’Union Amicale Oléronnaise aura une action non négligeable à Paris pour la promotion de l’île d’Oléron au moins jusqu’en 1939, date de la mort de son président Maurice Renard, décédé à Rochefort suite à une opération de la prostate. Il réside pour l’éternité sur son île au cimetière de Dolus. Sa ville d’adoption lui a rendu hommage car l’école élémentaire porte son nom.
Christophe Bertaud
Photo : L’écrivain Maurice Renard, président des Parisiens amoureux d’Oléron.