Histoire - N°142 - Septembre/Octobre 2016

Les frairies et les foires sur l’île d’Oléron

Les frairies et les foires ont rythmé la vie de la population oléronaise. Fêtes économiques mais aussi fêtes populaires, les communes de l’île doivent définir et choisir les meilleures dates du calendrier pour que le succès soit au rendez-vous.

Une des définitions du terme frairie est une fête patronale d’un village, une fête populaire d’après le dictionnaire Larousse. Ce sens n’est pas partout utilisé en France. On retrouve les frairies principalement dans les deux Charentes et dans la région du Limousin comme fêtes locales annuelles d’un village, organisées généralement sur un ou plusieurs jours consécutifs et rassemblant également des attractions foraines. Le terme générique est alors foires. Les documents d’archives de la fin du xixe siècle du département de la Charente-Inférieure jonglent entre les deux termes de frairies et de foires. Ces foires et ces frairies n’ont rien à voir avec les marchés aux comestibles qui se tiennent hebdomadairement dans les principales localités de l’île.

Mais de quand datent ces foires sur Oléron ? Il est très difficile d’en connaître les débuts. Certaines pouvant remonter au Moyen Age. Le tableau des foires de 1849 établi par la préfecture doit préciser l’origine. Mais il emploie fréquemment la formule «remonte à des temps immémoriaux». A cette époque les principales foires sur Oléron sont par dates au calendrier au Château-d’Oléron (le lundi de Pâques et le premier lundi de mai), à Saint-Georges (les 23 avril, 24 juin et 29 août), à Saint-Pierre-d’Oléron (le 29 juin pour 2 jours), à Saint-Denis (le 3 août), à Saint-Trojan (le 25 août) et à Dolus-d’Oléron (le 30 novembre pour 2 jours). La population y trouve des étoffes, tissus de laine et coton, mercerie, coutellerie, fruits, pâtisseries, sans oublier l’objet principal qui est la foire au bétail. Le rapport préfectoral indique en outre que la foire de Saint-Pierre-d’Oléron est véritablement la seule importante de l’île.

La loi du 10 mai 1838 réglemente l’ouverture de nouvelles places marchandes. La commune adopte une délibération qu’elle transmet au préfet. Ce dernier fait procéder à une enquête dans les communes voisines dans un rayon de 2 myriamètres (20 km). Sous la iiie République, la loi accentue les pouvoirs des conseils généraux qui donnent l’avis favorable ou défavorable.

C’est ainsi qu’en 1851 le Conseil général de la Charente-Inférieure se basant sur les propositions du conseil d’arrondissement et du préfet rejette la demande de Saint-Denis d’établir une foire de bétail qui se tiendrait le second lundi de mai «considérant que les 11 foires qui ont lieu dans l’île d’Oléron suffisent à tous les besoins de la population».

Afin de rendre les foires et les frairies plus importantes encore, le choix de la date est primordial. De nombreuses communes demandent des changements pour leurs foires locales. En 1863, la commune de Saint-Denis-d’Oléron obtient le transfert de sa foire du 1er mai au lundi de Pâques. La délibération communale met en avant que «la foire de Saint-Denis fixée au 1er mai semblait offrir des avantages à la commune en ce que placée au lendemain de celle du village de La Brée distant de Saint-Denis de 2 kilomètres elle faciliterait par cela même le transport des marchandises des forains et baladins établis la veille dans cette localité et c’est pour cette raison que le conseil par sa délibération de 1853 avait demandé que le jour fut fixé au 1er mai. Mais l’expérience de quelques années a démontré l’erreur de nos prévisions. La cause en est due à ce que la foire du Château qui a lieu le 1er lundi de mai tombe au moins trois fois le même jour ou le lendemain de celle de Saint-Denis dans une période de 7 ans et que malgré l’éloignement les marchands trouvent plus de bénéfices à se rendre dans cette localité beaucoup plus importante que la nôtre ce qui réduit notre foire à des proportions insignifiantes pour le commerce et l’agrément de notre localité.»

Mais au Château-d’Oléron, la date ne leur convient plus non plus : «Plusieurs membres font remarquer que la foire annuelle du Château établie depuis quelques années le premier lundi de mai n’a pas réussi à amener le concours d’étrangers désirables dans ces réunions, malgré tous les soins qu’y apporte l’administration municipale et les sacrifices que s’impose la commune. Ils pensent qu’il conviendrait d’en changer l’époque et de faire les démarches nécessaires pour l’obtenir dorénavant et à partir de 1875 au 3e dimanche du mois de juin, ce qui l’établirait avant la foire de Chéray et ne pourrait nuire en rien aux diverses foires de nos localités voisines.»

A la fin du xixe siècle, une nouvelle réorganisation des dates des manifestations s’opère dans l’ensemble de l’île d’Oléron. Chaque village semble souhaiter avoir sa frairie.

En décembre 1876, une pétition de nombreux habitants des villages de La Cotinière et autres villages environnants demande «de faire reconnaître et connaître la frairie de La Cotinière qui existe de fait le lendemain des cendres». Le maire de la commune de Saint-Trojan demande la création en 1890 d’une frairie au hameau du Grand-Village qui se tiendra chaque année le jour de l’Ascension. En juin 1891, une pétition des habitants des villages des Allards sollicite la création d’une frairie annuelle au hameau de la Maratte chaque année au 15 août.

A Saint-Georges-d’Oléron, la commune demande en 1892 que «les frairies de Saint-Georges, La Brée et Sauzelle qui ont lieu la première le 23 avril, la deuxième le 30 avril et la troisième le lundi de la Pentecôte aient lieu le deuxième dimanche de juin pour Saint-Georges, la frairie de La Brée le dernier dimanche de mai et la frairie de Sauzelle le premier dimanche de juin». Le conseil municipal en profite pour demander aussi la création de deux nouvelles frairies, l’une à Boyardville l’avant-dernier dimanche de mai et l’autre à Chaucre le dimanche après la foire de Saint-Pierre.

A Saint-Tojan, la frairie est déplacée en mai 1894 au deuxième dimanche d’août car «le 1er dimanche de juillet, époque de la frairie, se trouve trop rapproché des 29 et 30 juin, jours de la frairie et foires de la commune de Saint-Pierre-d’Oléron et que les marchands et baladins qui sont à cette foire n’ont pas le temps d’emballer pour se rendre ensuite à celle de Saint-Trojan».

A Saint-Denis-d’Oléron, la frairie du lundi de Pâques est remplacée à partir de 1909 par celle qui se tiendrait le 15 mai et qui coïncide avec une fête locale dite «fête des cultivateurs». Ces foires d’abord économiques évoluent toutes vers des frairies beaucoup plus festives où l’amusement est au cœur des célébrations.

Christophe Bertaud

Illustration : La Frairie de Chéray attire manège et baladins où on peut admirer «la femme panthère» (DR AD-CM).

 
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