Le rire du pic vert
En cette période très particulière de confinement, chacun a pu se rendre compte à quel point nous avions perdu le contact avec les sons de la nature couverts par nos multiples activités bruyantes : circulation automobile, avions... même si ce « silence » est encore fréquemment rompu par le bruit des tondeuses. Confinée mais aux aguets*, chaque personne qui a la chance de posséder un jardin ou de vivre à proximité d’un parc urbain ou d’un espace vert a pu redécouvrir les oiseaux qui évoluent à nos côtés, parfois dans la plus grande indifférence, dont les chants passaient inaperçus dans le brouhaha ambiant.
La matinée est avancée, le concert des oiseaux largement entamé depuis le lever du jour, dominé par la voix du merle noir. « Kiu kiu kiu kiu kiu kiu kiu », soudain une sorte d’éclat de rire puissant et sonore interrompt cette quiétude. La silhouette furtive d’un oiseau traverse rapidement le jardin d’un vol onduleux et se plaque verticalement contre un tronc d’arbre. Vous venez de faire connaissance avec le pic vert, un des pics les plus communs en France, deuxième par la taille après le pic noir, parmi une famille qui compte neuf espèces**. Les deux sexes sont semblables, de couleur générale vert sur le dessus, plumes du croupion jaunes, avec une calotte rouge largement étendue sur la nuque, le mâle se différencie par sa moustache rouge encadrée de noire, toute noire chez la femelle.
Oiseau grimpeur par excellence, le pic vert possède des pattes robustes particulièrement adaptées à l’ascension des troncs d’arbres : deux doigts dirigés vers l’avant et deux vers l’arrière munis de griffes recourbées et acérées qui lui permettent de s’agripper fortement aux troncs. Pour progresser il procède par petits bonds, prenant appui sur sa queue dont les plumes, les rectrices, très rigides, agissent comme un ressort. Il possède un bec puissant, fonctionnant comme un ciseau à bois pour creuser le bois et en extraire les larves d’insectes xylophages. S’il ne dédaigne pas explorer les troncs, on peut l’observer très souvent au sol dans une prairie à l’herbe rase (gazon, terrains de sport...). Notre pic vert est en effet le moins arboricole de la famille, c’est au sol qu’il recherche le plus souvent sa nourriture : vers de terre, limaçons, petits insectes... mais sa prédilection reste les fourmis. De son bec puissant il fouille le sol, perfore la fourmilière et avec sa longue langue gluante happe des dizaines de fourmis et de larves dont il se délecte.
Le pic vert fréquente les parcs, les jardins arborés et les boisements de feuillus ou mixtes. Il évite les boisements exclusivement résineux. C’est à l’automne et en hiver que le couple fore de nouvelles loges dans différents arbres ou en aménage une ancienne, une seule sera choisie pour mener à bien la prochaine nichée. Cinq à sept œufs sont pondus fin avril début mai directement sur des copeaux de bois au fond de la loge. La couvaison dure 15 à 19 jours et les jeunes sont nourris par les deux parents durant environ 25 jours. Après l’envol, la famille se dispersera au cours de l’été, les oiseaux vivant tous de façon indépendante jusqu’à l’automne prochain où le couple se reformera pour prospecter de nouvelles cavités.
Yann Hermieu
Photo © LPO / Fabrice Cahez
* Opération de comptage et recensement des oiseaux des jardins proposée par la LPO lors du confinement sur www.oiseauxdesjardins.fr
** Pic noir, pic vert, pic cendré, pic épeiche, pic mar, pic tridactyle, pic à dos blanc, pic épeichette et torcol fourmilier.
Juillet/Août 2024
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