La réforme du permis de construire
Depuis le 1er octobre, la réglementation des permis de construire a changé avec l'entrée en vigueur de la réforme du permis de construire et des autorisations d'urbanisme.
Depuis le 1er octobre, la réglementation des permis de construire a changé. Tout d’abord, la réforme fusionne les onze autorisations et cinq régimes de déclarations existants en trois permis, permis de construire, permis d’aménager, permis de démolir, et une déclaration préalable.
Second point important, les délais d’instruction de la demande de permis sont désormais garantis. Le délai d’instruction du permis de construire est fixé à deux mois pour les constructions individuelles et trois mois pour les autres constructions. La constitution du dossier de demande de permis est simplifiée. Une liste des pièces devant accompagner le dossier est fournie avec les nouveaux formulaires, et l’administration a l’obligation de réclamer toutes les pièces manquantes en une seule fois avant la fin du mois suivant le dépôt du dossier. Enfin, faute de réponse de l’administration dans le délai de deux mois, le permis est accordé tacitement.
Ces dispositions, a priori favorables aux usagers de l’administration, ont soulevé une certaine inquiétude dans les collectivités locales. Roger Bithonneau, maire de Saint-Denis, estime qu'«il va falloir être beaucoup plus réactif car les délais sont raccourcis. Cependant, compte tenu des retards pris par la DDE qui instruit les demandes, il va falloir une nouvelle organisation. Tous nos dossiers partent à la DDE mais nous instruisons ici les déclarations. Nous ne pouvons plus demeurer dans la situation actuelle où des demandes de permis traînent pendant un an.» Pour Alain Bohée, maire de Saint-Trojan, «cette réforme va dans le bon sens puisque les délais sont raccourcis pour les particuliers. Au sein de la mairie, nous formons le personnel pour pouvoir traiter ces dossiers, il va falloir réorganiser le service urbanisme pour consacrer plus de temps à ces dossiers.» Michel Parent, maire du Château, estime, quant à lui, que «la réforme va rendre service aux particuliers puisque les délais d’instruction sont raccourcis. Cependant nous avons pris une délibération au sein du conseil municipal pour obliger les personnes à faire une déclaration pour les permis de démolir et les constructions de clôture. Pour nos services, cela ne va a priori rien changer si ce n’est que les délais sont plus courts. Il y aura certes des exigences de contrôle plus importantes pour la mairie.»
Du côté des professionnels, ces nouveaux textes sont accueillis avec enthousiasme. «Cette réforme nous satisfait, approuve Dominique de Lavenère, président du Syndicat national des professionnels de l’aménagement et du lotissement. Elle était demandée par les professionnels, qui souffraient de la longueur des délais d’instruction comme de l’incertitude sur les pièces qui pouvaient être demandées. Les communes ne pourront plus jouer sur des demandes de pièces complémentaires pour faire traîner un dossier. Nous ne verrons plus de demandes plus ou moins loufoques, comme lorsqu’on demandait à un architecte de mentionner les espèces d’arbres plantés sur le terrain alors qu’aucune plantation n’était prévue.» Dominique de Lavenère reconnaît cependant que la mise en œuvre de la nouvelle donne peut susciter des difficultés «Cette réforme remet en question la formation des agents des services municipaux, Tout n’est pas encore clair, il faudra sans doute six mois pour que les choses se mettent en place.»
Un service d'instruction au sein de la CdC
Fin septembre, l’ensemble des maires de l’île, les responsables d’urbanisme, du conseil d’architecture, d’urbanisme et d’environnement (CAUE) et de la direction départementale de l’équipement (DDE) se sont réunis pour aborder la question de la réforme du permis de construire. La réunion a commencé par un constat : les délais d’instruction actuels par la DDE (seules les communes de Saint-Pierre-d’Oléron et du Château-d’Oléron instruisent leurs dossiers) sont longs et ne sont pas respectés. Les retards sont de plus en plus importants. Les élus ont donc demandé à la communauté de communes de l'île d'Oléron de créer un service pour instruire les demandes des permis de construire pour le compte des communes. Les communes s’occuperaient toujours de l’accueil des personnes et le maire signerait toujours le document final.
Ce service, qui pourrait être composé de trois personnes, serait financé par les communes au prorata des permis délivrés dans l’année. Une étude est actuellement en cours pour finaliser les modalités de ce service et son fonctionnement. Les conclusions pourraient arriver en décembre pour une mise en place au début de l’année prochaine. On peut s’interroger sur l'organisation si tardive de cette réunion, la veille de la mise en application de la réforme. «Nous avons déjà organisé une réunion avec les mêmes partenaires il y a près d’un an, explique Jean-Claude Blémon, le président de la communauté de communes. A l’époque, la DDE avait assuré que les délais d’instruction seraient respectés. Les élus avaient donc décidé de poursuivre de cette manière. Il est vrai que, durant plusieurs mois, cela a bien fonctionné mais plus maintenant.»
C’est pourquoi, aujourd’hui, les élus oléronais sont d’accord pour financer un service qui jusqu'alors leur est accordé gratuitement par la DDE.
Les réserves d'un avocat
Maître Pierre Haie, avocat poitevin qui représente plusieurs communes oléronaises devant la juridiction administrative, émet quelques réserves sur la réforme des permis de construire.
Maître Haie - C’est une réforme qui va poser des problèmes extrêmement sérieux aux petites collectivités. Des problèmes d’abord matériels d’organisation parce qu’il y a des délais qui sont extrêmement raccourcis, et on se demande comment vont faire les petites communes. La nouveauté est aussi qu’on passe à un système déclaratif. Jusqu’à présent, chaque fois qu’un dossier était monté ou que quelqu’un se présentait comme propriétaire ou excipait d’une qualité lui permettant de solliciter un permis de construire, l’autorité de la commune et aussi le plus souvent les services de l’Equipement allaient vérifier qu’il y avait bien une attestation notariée ou quelque chose qui rapportait la preuve que la personne pouvait demander un permis de construire. Maintenant cela va être la personne qui va dire : «J’affirme être propriétaire, je demande un permis.» L’administration n’a plus à vérifier, comme c’était le cas jusqu’au 1er octobre, si la personne qui sollicite une autorisation administrative de construire dispose d’un titre l’habilitant à le faire. Il y a un risque de fraude, surtout dans les communes où la pression foncière est extrêmement lourde.
JdP - Il y aura toujours une instruction par l’Equipement.
Maître Haie - Sur l’île d’Oléron, les communes délèguent l’instruction des permis aux services de l’Equipement qui sont censés instruire toutes les demandes. Ce qui risque d’arriver, c’est qu’ils seront pris par le temps, et qu’on aura soit des instructions de pure forme, soit des dossiers qui ne seront pas instruits, et déboucheront sur des permis tacites.
JdP - Le permis tacite, est-ce une avancée ?
Maître Haie - Le permis tacite n’est pas la panacée. Il faut savoir qu’il y a un double mécanisme de contrôle : l’Equipement joue le rôle d’instructeur et, à côté, vous avez une cellule de l’Equipement, rattachée au préfet, qui est chargée du contrôle de la légalité. C’est-à-dire que la main gauche va vérifier ce qu’a fait la main droite. L’autorité compétente peut retirer votre permis dans un délai de trois mois si le permis est illégal. Vous allez avoir un permis tacite, vous allez l’afficher sur le terrain et commencer à construire. Ce que les gens ne savent pas, c’est que dans un délai de trois mois à compter de l’affichage sur le terrain, on va pouvoir vous retirer ce permis, alors que parfois les travaux seront engagés. Alors que, quand vous avez un permis exprès, en général on ne vous le donne pas pour vous le retirer, il y a quand même eu un semblant de vérification.
Les permis tacites risquent d’être source d’insécurité juridique pour leurs détenteurs. Il y aura, je le crains, une multiplication des contentieux.
JdP - La simplification est pourtant bienvenue.
Maître Haie - En effet, il ne faut pas être que critique à l’égard de ce texte, ce serait à mon avis tout à fait injuste. Je crois que l’effort de simplification qui a été fait par le législateur était absolument indispensable et doit être apprécié à sa juste valeur. Ce sur quoi je suis beaucoup plus réservé, c’est sur les nouvelles modalités pratiques qui laissent la part un peu trop belle à certains pétitionnaires, c’est-à-dire que finalement c’est un texte qui a été fait pour les professionnels de l’immobilier et de la construction.
Quid de la réforme
Les nouveautés
Fini les quinze autorisations ou déclarations, aujourd’hui, on passe à trois permis (de construire, d’aménager et de démolir) et à une seule autorisation.
Les délais sont raccourcis : un mois pour les déclarations, deux mois pour les permis de construire des maisons individuelles, trois mois pour les autres permis de construire et les permis d’aménager. Les services instructeurs ont un mois pour communiquer les majorations du délai de base.
Sans réponse à l’issue du délai d’instruction, le permis est accordé de manière tacite… mais de nombreuses exceptions viennent s’ajouter à cette règle. Il existe, en effet, des majorations de délais si le dossier est soumis à un régime d’autorisation. Ainsi un délai supplémentaire d’un mois est accordé pour consulter les Bâtiments de France, pour les constructions situées dans les zones d’un plan de prévention des risques d’inondation (PPRI), pour les immeubles de grande hauteur (IHG) et les établissements recevant du public (ERP).
Le délai peut être majoré de deux mois dès qu’il faut consulter une commission départementale ou régionale, et de six mois lorsque l’immeuble est inscrit à l’inventaire des monuments historiques ou adossé à un immeuble classé monument historique, ou s’il est situé dans le champ de visibilité d’un bâtiment classé. Enfin, le délai peut être rallongé de sept mois dans le cas d’autorisation de défrichement ou de reconnaissance du terrain, s’il y a une enquête publique ou des autorisations commerciales à obtenir.
Ce qui va changer
Pour les constructions nouvelles, il n’y a pas de changement notoire. Pour les constructions existantes, il y a toujours la règle des 20 m2 de SHOB (surface œuvre brute). Il faut également déposer un permis pour une modification de la structure ou de la façade, lorsque les travaux ont pour effet de modifier le volume du bâtiment et de percer ou agrandir une ouverture sur un mur extérieur. Dans les ZPPAUP (zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager) certaines obligations demeurent : pour des travaux intérieurs de modification de structure ou de distribution tant horizontale que verticale, pour les travaux sur un élément répertorié sur le plan de sauvegarde présentant un intérêt patrimonial et pour tous travaux sur des bâtiments inscrits à l’inventaire des monuments historiques.
Janvier/Février 2024
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