Nature - N°98 - Mai/Juin 2009

Frelons asiatiques : ils arrivent dare-dare

Apparus en Charente-Maritime en 2007, les frelons asiatiques et leurs nids spectaculaires se multiplient. Véritables bêtes noires des abeilles, ces insectes peuvent, dans certaines conditions, s’avérer dangereux pour l’homme.

Il est tombé nez à nid avec les envahisseurs. Fin avril 2008, Gabriel Chauchard, de l’Amicale des modélistes oléronnais, passait vérifier l’état du circuit du Fief de la Cailletière, à Dolus, avant la première course de ildo98-4a.jpgbolides télécommandés de la saison. En ouvrant la porte du podium – la cabane qui surplombe le circuit –, il fit une désagréable rencontre. «Sous le toit, j’ai vu un gros nid, 50 cm de haut sur 30 cm de diamètre, en pleine activité, se souvient-il. Un mois plus tôt, j’étais passé là, il n’y avait rien. Je ne savais pas ce que c’était, ces bestioles étaient noires et plus grosses que des guêpes. J’ai vite refermé la porte et j’ai averti la mairie.» Sans le savoir, il était un des premiers à découvrir des frelons asiatiques sur l’île d’Oléron.

Cachées dans des pots chinois

Originaire de Chine, Vespa velutina nigrithorax aurait débarqué en France en 2003. Selon une des hypothèses les plus plausibles, deux ou trois reines en hibernation ont voyagé clandestinement dans un chargement de pots chinois du Yunnan (sud du pays) commandés par un horticulteur de la région de Tonneins, dans le Lot-et-Garonne. En 2004, il observe deux nids à côté de sa propriété. L’année suivante, on signale un autre nid, à vingt kilomètres de là, à Tombeboeuf, à l’entomologiste Claire Villemant, du Muséum national d’histoire naturelle de Paris. Elle s’aperçoit qu’il s’agit de frelons asiatiques. «En juin 2006, nous avons alerté le ministère de l’Environnement des risques pour les ruches : en effet, cet insecte se nourrit surtout d’abeilles. Je pensais qu’il fallait prévenir les pompiers afin de détruire les nids qui seraient signalés. Mais le ministère n’a pas jugé bon d’intervenir.» Fin 2006, tout le Lot-et-Garonne est touché, ainsi que les départements limitrophes. Depuis, les frelons asiatiques ont conquis le Sud-Ouest de façon fulgurante. On les retrouve désormais du Gard aux Pyrénées-Atlantiques, de la Haute-Garonne aux Deux-Sèvres. Et ils progressent, chaque année, d’une centaine de kilomètres.
«Ils sont apparus dans le sud de la Charente-Maritime dès 2007, et en 2008 ils se sont multipliés, puisque nous avons détruit autant de nids de frelons asiatiques que de nids de frelons européens, affirme Thierry Marion, dont l’entreprise de désin-sectisation est basée à Royan. Ils avancent le long des cours d’eau. Dans le département, les zones les plus envahies sont situées près de la Gironde, de la Charente et de la Seudre, comme c’est le cas de Saujon.»
A Saujon, justement, un apiculteur, Michel Duret, a fait les frais des nouveaux prédateurs. Son jardin jouxte la Seudre. C’est là, au bord de la rivière, qu’il avait placé ses ruches. «Elles ont été attaquées fin août 2008, raconte-t-il. Autour d’ici, dans un rayon d’un à deux kilomètres, une vingtaine de nids de frelons asiatiques s’étaient installés.» Il décrit les assauts : «Un frelon se met en vol stationnaire, repère une abeille, fonce dessus, la tue, enlève les ailes, la tête, garde le thorax – la partie avec des muscles– et l’emmène dans son nid pour nourrir ses larves. Ils éliminent les gardiennes en une journée, ensuite ils entrent à l’intérieur et emmènent les larves d’abeilles. Sur quinze ruches, dix étaient irrécupérables.» Le rildo98-5.jpgécit fait frémir les apiculteurs d’Oléron, pour l’instant épargnés. Ni Roland Gaillard, à Saint-Georges, ni Bernard Biraud, à Saint-Pierre, n’ont vu rôder Vespa velutina. Un autre producteur de miel, Philippe Aimé, a même rapatrié ses ruches du pays royannais à La Brée, «pour les protéger». Mais l’île est cernée. Fouras, Brouage, Marennes et La Tremblade sont déjà touchées. La plupart des nids y ont été repérés dans de grands arbres à la fin de l’automne, à la chute des feuilles, alors qu’ils étaient abandonnés. Ronds ou ovales, mesurant parfois plus d’un mètre de haut sur 80 cm de diamètre, ils pouvaient culminer à 20 ou 30 m du sol. Les personnes qui les décrochaient s’étonnaient de la solidité de leurs parois, constituées d’une sorte de carton, et des milliers d’alvéoles à l’intérieur. «La préfecture doit allouer un budget aux pompiers pour qu’ils détruisent les nids avant septembre !», clame Michel Duret. C’est d’ailleurs ce que demande le syndicat apicole départemental. Mais la préfecture s’y refuse. «Cet insecte ne présente pas de danger particulier pour les habitants, explique Yves de Roquefeuil, directeur de cabinet du préfet Henri Masse. Ce sont donc des sociétés spécialisées qui doivent intervenir, et non les pompiers, sauf en cas de risque immédiat, de carence des sociétés privées, ou si les nids sont placés sur la voie publique.»

Défense farouche

Le frelon asiatique est-il vraiment «peu agressif envers l’homme» comme l’a écrit le préfet à tous les maires de Charente-Maritime le 11 décembre ? Oui… sauf si on s’approche de sa colonie. «Dans ce cas, il est plus combatif, plus dangereux que le frelon européen, et il riposte en plus grand nombre, assure Thierry Marion. C’est d’autant plus délicat quand vous devez détruire un nid à 20 m de hauteur. A 5 m en dessous, ils sont déjà sur vous.» «Ils vous foncent dessus à plus de cent à la fois, témoigne Michel Duret. Quand je m’attaque à eux, je mets deux combinaisons d’apiculteur, au lieu d’une pour des frelons européens.» Même bien équipés, les désinsectiseurs ne sont pas à l’abri, et les personnes allergiques risquent gros. «Un de mes employés s’est fait piquer, confie Thierry Marion. Il ne se sentait pas bien. Il est allé chez le médecin, et là il a fait un arrêt cardiaque. Il a pu être réanimé…» Un habitant de Nanteuil-Auriac-de-Bourziac, au nord de la Dordogne, n’a pas eu cette chance. Piqué à quatre reprises alors qu’il tondait sa pelouse, le 24 septembre 2008, cet homme de 44 ans n’a pas survécu à l’arrêt cardiaque. La niche de son chien abritait la colonie… «Ici aussi, on aura des morts ! prédit Michel Duret. Imaginez un enfant qui s’approche d’un nid sans le savoir !» Certes, 90 % des nids dits «matures», capables d’engendrer de nouvelles reines, sont situés en haut des arbres. Mais il en reste 10 % ailleurs. Sans compter que Vespa velutina a une drôle d’habitude : il lui arrive de déménager. Il peut créer un nid dans une haie, sous une toiture comme ce fut le cas à Dolus ou sur un balcon de HLM (à Saintes l’année dernière) puis, se sentant à l’étroit, faire ses cartons en août pour un grand chêne.

Bataille autour des pièges

Pour enrayer cette prolifération, les scientifiques étudient activement l’insecte. Même son ADN est passé au crible. Mais Claire Villemant n’est pas très optimiste : «Au nord de l’Inde et en Chine, il est en compétition avec plusieurs autres espèces de frelons. Il vit en équilibre avec son milieu. En France, il n’a pas de concurrents, à part le frelon européen. Et nos abeilles ne sont pas habituées à se défendre, comme c’est le cas pour les abeilles d’Asie qui forment une boule autour du frelon pour l’étouffer. Ici, il n’a presque aucun prédateur. En Chine, même les gens mangent les larves de frelons grillés, il paraît que ça a un goût de noisette.» Les apiculteurs ont une autre recette pour limiter la propagation : capturer les reines entre février et avril, lorsqu’elles sortent de leur refuge hivernal. La profession a fait campagne, dans les mairies et sur Internet, pour encourager la population à fabriquer des pièges avec une bouteille plastique coupée en deux, la partie avec le goulot placée en entonnoir à l’intérieur, l’autre remplie d’un mélange de bière et de sirop. Avec ce slogan : «Une reine attrapée, c’est un nid en moins.» L’initiative hérisse les entomologistes. «D’abord, une reine ne donne pas forcément un nid, réagit Claire Villemant. 90 % des reines en hibernation ne fonderont pas de colonie, parce qu’elles n’ont pas été fécondées, parce qu’elles mourront avant, etc… Ensuite, ces pièges à bière attrapent des insectes de toute sorte, même fin février. On peut ainsi tuer des papillons très rares. Je ne suis pas opposée au piégeage près des ruchers, ou près des nids de frelons identifiés, mais pas ailleurs.» L’Inra de Bordeaux planche sur un piège, qui ne capturerait que les reines de Vespa velutina, et qui pourrait être diffusé plus largement. En attendant, sans front uni contre lui, le frelon asiatique a tout du loup dans la bergerie. Parfaitement adapté au climat français, il peut continuer de proliférer et de boulotter des abeilles. Un souci de plus pour des apiculteurs déjà atteints par la mortalité des butineuses, due aux insecticides. Une seule profession fait son miel de l’invasion : les désinsectiseurs. «Pour nous, c’est un nouveau marché», convient Thierry Marion. Il s’apprête à embaucher deux personnes supplémentaires cette année.







Comment les détruire ?


Le meilleur moyen de se débarrasser des frelons est de contacter des désinsectiseurs. La destruction – par injection de poudre à l’intérieur du nid – coûte entre 100 et 450 euros selon la localisation de l’essaim. Plus il est accessible, moins c’est cher. S’il ne présente pas de danger immédiat, précisez que vous pouvez patienter plusieurs jours : en regroupant les interventions, l’entreprise peut proposer un prix plus intéressant. Ne vous attaquez pas vous-même au nid : lui tirer dessus au fusil, par exemple, est le meilleur moyen de rendre furieux ses occupants. De plus, cela n’élimine pas la colonie. Enfin, sachez que les frelons asiatiques ne réutilisent jamais un nid de l’année précédente. Et qu’ils s’établissent rarement dans les pins maritimes…
 



Plus petit que le frelon européen


Un frelon asiatique adulte mesure entre 17 et 26 mm. Il est un peu plus petit que vespa crabro, le frelon européen (entre 19 et 30 mm). L’abdomen du frelon asiatique est noir avec un seul segment jaune, contrairement à Vespa crabro, dont l’abdomen est à dominante jaune. S’il est plus fluet que son homologue d’Europe, Vespa velutina vit dans des colonies plus importantes. Certaines reines peuvent engendrer plus de 10 000 rejetons du printemps à l’automne. «Mais ils ne sont jamais 10 000 au même moment dans le nid, explique l’entomologiste Claire Villemant. Plusieurs générations se succèdent, car le frelon ne vit que deux mois : un mois en tant que larve, un mois en tant qu’adulte. Les nids matures peuvent compter 1 000 individus en même temps, et jusqu’à 1 500 à 2 000 pour les plus gros. Beaucoup plus qu’un nid moyen de frelons européens (500 adultes).» Quant aux reines – ou fondatrices –, leur longévité est d’un an. Il en naît plusieurs dizaines dans chaque nid à l’automne. Ces femelles content fleurette aux mâles puis partent hiberner, fin novembre, dans une souche ou dans un trou, tandis que la dernière génération de frelons du nid meurt. Les fondatrices les plus résistantes se réveillent à partir de février. Au final, seules 10 % des reines vont créer une nouvelle colonie au printemps.

 


Exclusif pour le site - Interview

 

« Les frelons asiatiques vont se propager à toute la France »

 

Claire Villemant, chercheuse au laboratoire d’entomologie du Muséum national d’histoire naturelle de Paris, est une des principales spécialistes du frelon asiatique en France.

 

Où et quand ont été signalés les premiers nids de frelons asiatiques dans notre pays ?
Le premier signalement – non vérifié – aurait été fait en 2004. Deux nids ont été vus dans la région de Tonneins, dans le Lot-et-Garonne, près de la propriété d’un horticulteur qui s’était rendu en Chine dans un salon horticole. Il s’était fait livrer, dans des caisses, des pots pour y planter des bonzaïs. Il faut un mois de bateau pour faire venir ces marchandises, si c’était l’hiver, et que des reines hivernantes étaient dans les caisses, il est possible qu’elles aient voyagé comme ça. Le fait que les deux nids aient été découverts près de la propriété de l’horticulteur laisse à penser qu’il a pu faire venir des frelons à son insu, mais on n’en a pas la preuve à 100 % . Cela reste une hypothèse. Ensuite, j’ai parlé de cette hypothèse à des journalistes, qui en ont fait une vérité, et l’horticulteur a été pris à parti par des apiculteurs qui l’ont rendu responsable de l’arrivée des frelons… Résultat : l’horticulteur ne veut plus me parler, alors qu’il serait très important de savoir d’où vient exactement son chargement, pour déterminer l’endroit précis d’où sont originaires les premiers frelons.


Pour votre part, où avez-vous observé le premier nid de frelons asiatiques en France ?
A Tombeboeuf dans le Lot-et-Garonne, à un vingtaine de kilomètres de Tonneins, en 2005 ; il s’agit du premier nid de frelons asiatiques identifié avec certitude en France. Dès juin 2006, nous avons alerté le ministère de des risques pour les ruches : en effet, ce frelon se nourrit surtout d’abeilles. Je pensais qu’il fallait prévenir les pompiers afin de détruire les nids qui seraient signalés. Mais le ministère n’a pas jugé bon d’intervenir. Résultat, cela a très vite progressé.


Y a-t-il eu une seule introduction ?
Oui. En tout cas, c’est ce que montre l’étude génétique en cours. Grâce à elle, nous espérons connaître la région d’origine exacte des frelons. On sait qu’ils viennent de la province du Yunnan, en Chine, qu’ils sont tous de la même espèce, et qu’ils sont tous de la même origine. La lignée provient de quelques individus, quelques reines, peut-être deux ou trois, ou même une seule reine qui aurait été fécondée par plusieurs mâles.


Comment se déroule cette étude génétique ?
Nous avons des correspondants partout dans les zones infestées en France. Des dizaines de personnes qui récoltent des frelons dans des tubes (une douzaine de frelons morts par tube) et qui les envoient. C’est le cas, par exemple, de l’apiculteur Michel Duret, à Saujon, en Charente-Maritime. De plus, l’INPN – Inventaire naturel du patrimoine national – (http://inpn.mnhn.fr), recense tous les signalements de nids.


Comment expliquer la prolifération rapide du frelon asiatique ?
En Asie, où il vit entre le Nord de l’Inde et la Corée, Vespa velutina nigrithorax a des prédateurs, et entre en compétition féroce avec plusieurs espèces de frelons. Il est en équilibre avec son milieu. En France, il n’a pas de concurrents, à part le frelon européen, Vespa Crabro. Il n’a aucun prédateur, si ce n’est le guêpier, présent près des dunes sableuses, ou éventuellement la bondrée apivore. Alors qu’en Chine, il a fort à faire. Même les gens mangent les larves de frelons grillés, il paraît que ça a un petit goût de noisette.
En plus, le frelon asiatique est habitué à un climat qui peut être rigoureux en hiver, puisqu’il vit dans certaines zones montagneuses ou continentales, comme le Cachemire. Il est adapté au froid. Et à la chaleur. Seul le manque d’eau peut l’arrêter, il ne survit pas dans un climat très sec.


Il est donc impossible de les éradiquer ?
Non, ils sont trop nombreux. Ils vont continuer de s’étendre. Il n’y aucune raison qu’ils ne se propagent pas à toute la France. On considère que, chaque année, ils progressent d’un département vers le nord, l’est et le sud. Il est déjà présent dans tout le Sud Ouest et au-delà. En 2008, on a aussi eu un signalement en Côte d’Or, avec deux nids. Peut-être une importation de départements déjà infectés… En tout cas, selon les analyses génétiques, ils sont de la même origine que ceux du Sud Ouest.


En Asie, les abeilles parviennent à résister à ce frelon. Pourquoi pas en France ?
Parce que ce ne sont pas les mêmes espèces d’abeilles. Les abeilles d’Asie se défendent mieux que les européennes : elles forment une boule autour du frelon, font vibrer leurs ailes pour augmenter la température à plus de 50 °C et le tuer. Lorsqu’elles sont implantées en Asie, les abeilles européennes résistent aussi, elles font cette fameuse boule, mais moins efficacement que les abeilles asiatiques : elles sont moins nombreuses à le faire, moins préparées. Mais il existe une probabilité qu’en France, peu à peu, elle s’adaptent et adoptent aussi cette méthode de défense.
Le problème de la notre pays, c’est qu’il existe beaucoup d’espèces d’abeilles différentes ; certaines ont été sélectionnées pour leur « gentillesse » par les apiculteurs pour mieux les travailler, et sont incapables de se défendre.


Que pensez-vous de la réaction des pouvoirs publics ?
Le ministère de l’Agriculture commence à prendre conscience du phénomène, étant donné les problèmes graves que cela pose aux apiculteurs. On demande au ministère de l’agriculture que l’information soit diffusée dans toutes les communes. Car beaucoup ne sont pas au courant. Il faut détruire les nids le plus tôt possible, au mois d’août. Mais on ne les repère pas facilement, car ils sont souvent cachés en haut des arbres.
Au niveau scientifique. L’Inserm, le CNRS, l’Inra de Bordeaux et l’IRD se sont regroupés pour étudier le phénomène, car on ne connaissait rien sur la biologie de cet insecte, peu étudié. A Bordeaux, les scientifiques cherchent à mettre au point des pièges efficaces.


En février-mars, les apiculteurs ont justement fait campagne pour qu’un maximum de personnes fabriquent des pièges, en coupant une bouteille, en retournant le goulot et en le remplissant de bière de sirop, afin de capturer les reines de frelons asiatiques. Qu’en pensez-vous ?
Il ne faut pas faire n’importe quoi. Je suis sceptique quant à l’efficacité de ces pièges sans expérimentation. L’Inra est actuellement en train de tester des pièges, mais ce n’est pas terminé. Le problème, c’est que certains apiculteurs diffusent sur Internet des pièges à faire soi-même. Il y a eu un projet de piégeage systématique en Dordogne en 2008, je m’y suis opposé. Je ne suis pas contre le piégeage près des ruchers, près des nids de frelons identifiés, mais pas ailleurs, car sinon on attrape le frelon asiatique, mais aussi toute sorte d’espèces, frelon d’Europe (qui est un peu menacé…), papillons… Cette année, des collègues entomologistes expérimentent des pièges pris en charge par la préfecture du Lot-et-Garonne. On verra, après expérimentation, si c’est efficace. Les pièges à bière actuels attrapent énormément d’insectes de toute sorte, même fin février. Au début du printemps, on peut ainsi capturer des papillons très rares dans ces pièges. On se heurte à une incompréhension avec les apiculteurs. Ils ne savent pas ce qu’ils tuent avec ces pièges. Le discours : “A chaque fois qu’on tue une reine, on tue un nid”, diffusé par les apiculteurs et que l’on voit partout, notamment dans la presse, est faux. Les reines que l’on capture avec les pièges ne sont pas toutes fécondées, elles ne donneront pas toutes un nid : d’ailleurs, 90 % des reines en hibernation ne fonderont pas de colonie. Et je suis opposé au discours : “Faites un geste citoyen, placez des pièges.” Ce sera un geste citoyen le jour où on aura des pièges spécifiques.


De quoi se nourrit le frelon asiatique ?
Essentiellement d’abeilles (jusqu’à 80 % de son régime alimentaire en zone péri-urbaine). Il mange aussi d’autres hyménoptères sociaux, comme les guêpes et les bourdons, ainsi que des chenilles, des papillons, des mouches, voire des petits insectes. Lorsqu’un frelon asiatique capture une abeille, il se pose, la découpe, récupère le thorax (là où il y a les muscles, le plus de viande) et le donne à ses larves, cela sert pour les gaver. Les adultes se nourrissent, eux, de liquide sucré. Ils sont très attirés par les fleurs de lierre, par exemple.


Est-il dangereux pour l’homme ?
Pour l’instant, c’est l’apiculture qui est la plus menacée. A Bordeaux, dans les zones péri-urbaines, les ruches ont été très touchées. Je suis allée à Pessac l’année dernière [en 2008], et il y avait des frelons sur les planches d’envol des ruches ! Quasiment 100% des ruches d’un apiculteur ont été détruites. Mais cela pourrait aussi poser des problèmes de sécurité pour l’homme dans ces zones urbaines, notamment pour les gens qui sont allergiques. Les frelons attaquent quand ils doivent défendre le nid, si on approche le nid de trop près.


Comment est organisé ce nid ?
Les nids à maturité mesurent entre 40 et 80 cm de diamètre sur 1 m de haut. Les parois sont constituées par une sorte de carton friable, fait avec de la cellulose de bois. Le nid a un toit, un chapeau pointu fait pour résister aux intempéries. Certaines reines peuvent donner naissance à plus de 10 000 rejetons du printemps à l’automne. Mais ils ne sont jamais 10 000 au même moment dans le nid. Plusieurs générations se succèdent, car le frelon ne vit que deux mois : un mois en tant que larve, un mois en tant qu’adulte. Seules les reines vivent un an. Les nids matures peuvent compter 1 000 individus en même temps et jusqu’à 1 500 à 2 000 pour les plus gros. Beaucoup plus donc qu’un nid moyen de frelons européens (500 adultes).
A partir de ce nid, le frelon a un rayon d’action de 1 à 2 km. On estime que chaque nid peut contenir plusieurs dizaines de fondatrices. Mais au final, seule une minorité d’entre elles (10 % de celles qui hibernent) fonderont vraiment une colonie.


Les frelons asiatiques ont-ils des endroits de prédilection pour s’installer ?
On a observé une corrélation entre la distribution des nids et les voies de circulation d’eau. Les frelons trouvent près des rivières et des fleuves de très grands arbres, parfaits pour installer les nids. Ils ont aussi besoin d’eau, mais de petites quantités leur suffit, ils ne doivent pas nécessairement s’établir près d’un fleuve. La rosée du matin peut suffire. Mais ils doivent mal supporter la sécheresse réelle. 
On estime que 90 % des nids matures sont situés dans les arbres de grande taille (à 20 à 30 m de haut), mais le nid peut préalablement avoir été formé ailleurs, au sol, dans une haie, sous une toiture, cela arrive souvent.


Pour le moment, l’île de Ré ne semble pas atteinte par la frelon asiatique. Les îles peuvent-elles rester à l’abri de la propagation ?
Il est possible que les frelons soient freinés par des étendues de mer ou par d’autres obstacles naturels, comme les montagnes. Mais s’ils n’y parviennent pas en volant, ils peuvent aussi être transportés par l’homme…

 

Propos recueillis par David Perrault
Retrouvez les articles sur les frelons asiatiques dans nos éditions du Journal des Propriétaires de la Côte de Beauté, de l’île d’Oléron et de l’île de Ré.

 

A lire aussi sur Internet :
http://inpn.mnhn.fr
Le site de l’Inventaire national du patrimoine naturel recense les nids détectés en France et dresse une carte de l’implantation de l’insecte. Les Internautes sont appelés à y contribuer s’ils découvrent un nid près de chez eux.

http://didierbontemps.ifrance.com/Rapports/rapportfrelon.pdf
Rapport très complet d’un spécialiste girondin de la destruction des nids de frelons asiatiques. Pour tout savoir sur la réaction des bestioles – parfois vigoureuse – quand on les attaque, sur les moyens de les détruire et de protéger les abeilles.

 

Commentaires des internautes
Hughes Sentis - le 01/08/2010 à 09:25
Nous venons de faire détruire par une entreprise spécialisée, un nid de frelons asiatiques à Loix, sur l'ile de Ré.
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