Ile d'Oléron - N°124 - Septembre/Octobre 2013

«Il y a un micro-séisme tous les quatre jours»

 

La terre tremble régulièrement dans l’île d’Oléron, comme dans tout l’Ouest de la France. Décryptage de ce phénomène avec Eric Beucler, enseignant-chercheur au laboratoire de planétologie et géodynamique de l’université de Nantes, impliqué dans la surveillance sismique, l’installation et la maintenance de stations sismologiques dans l’Ouest de la France.

Le Journal des Propriétaires – Comment se forment les séismes ?  

Eric Beucler - A l’intérieur de la terre, soit environ entre 150 et 3 000 kilomètres sous nos pieds, les roches opèrent de grands déplacements et entraînent les plaques se trouvant au-dessus. En bordure de ces plaques se trouvent des failles, autrement dit des fractures. En profondeur, les déplacements sont continus, sans à-coups, mais en surface les plaques se frottent les unes sur les autres. Celles-ci résistent et se déforment — on dit alors qu’elles se chargent — jusqu’au moment où la faille cède, c’est ce qui déclenche le tremblement de terre. Un séisme important, comme celui qui a frappé le Japon le 11 mars 2011, par exemple, peut être provoqué par un déplacement considérable et rapide des plaques qui, en l’occurrence, étaient en subduction (glissement d’une plaque sous une autre, NDLR) ou par la rupture d’une faille très grande. Souvent elle se situe de huit  à dix kilomètres de profondeur, il est extrêmement rare qu’elle atteigne la surface. Sauf dans certains films produits à Hollywood !               

 

Touchent-ils si souvent l’île d’Oléron et ses environs  ?

Eric Beucler - Oui. Dans cette zone sud du massif Armoricain, il y a un micro-séisme tous les quatre jours, c’est-à-dire d’une magnitude comprise entre 2 et 3. Attention, il ne faut pas confondre la magnitude, qui mesure l’énergie libérée au foyer d’un séisme, et l’intensité, qui quantifie les dégâts et se base plutôt sur le ressenti humain. Il y en a environ une fois par an des séismes d’une magnitude comprise entre 3 et 4,5 ressentis par la population. Enfin, une ou deux fois tous les dix ou vingt ans, des tremblements de terre d’une magnitude supérieure à 4,5 peuvent survenir. Le plus important répertorié par la communauté scientifique étant celui du 7 septembre 1972, de magnitude 5,7 (lire page 11).          

 

Pourquoi ce territoire plus qu’un autre ?   

Eric Beucler - Il y a environ 360 millions d’années, la Bretagne était collée à l’Espagne. La collision des continents avait formé de grandes chaînes de montagnes, qui se sont érodées au fil des années. Aujourd’hui les grandes failles créées à cette époque sont toujours là. Le prolongement de ce cisaillement sud armoricain forme un trait de couteau qui part de la Bretagne et qui s’enfonce jusqu’au centre de la France, dont les milieux sédimentaires sont affectés. 

L’île d’Oléron, elle, est affectée par un réseau de failles quasi parallèles à ce cisaillement. Cette zone est coincée entre l’océan Atlantique, qui continue à s’agrandir et nous pousse vers l’est, et l’Afrique, qui nous pousse depuis le sud-est. Des forces s’appliquent de part et d’autre dans ce réseau de failles parallèles, ce qui crée des fragmentations, comme une vitre cassée. D’où les nombreux micro-séismes recensés. Il faut savoir qu’il y a autant de séismes en mer que sur terre, même si des recherches sont actuellement en cours afin de connaître le rôle que peut jouer l’eau dans leur déclenchement. 

D’autre part, il est important de souligner que nous avons conscience de ce phénomène sismique car des appareils de mesure ont été installés. Là où il n’y a pas de sismomètres il n’y a pas de séismes...   

 

Justement, un sismomètre a été installé au Château-d’Oléron. Quel est son rôle ? 

Eric Beucler - A l’origine cette zone n’intéressait pas trop les chercheurs en sismologie, car elle n’est touchée que par des micro-séismes qui n’engendrent pas de dégâts. De plus, l’installation d’un sismomètre est compliquée, il faut trouver à la fois un site où l’appareil peut être enterré tout en étant relié à l’électricité et où il y a le moins d’activités humaines possibles afin d’éviter ce que l’on appelle le bruit anthropique. Mais depuis six ou sept ans, la recherche se développe. Ainsi, en 2011, une station accélérométrique a été installée au Château-d’Oléron, dans la citadelle. 

Il y a deux types de sismomètres, celui-ci est un accéléromètre, c’est-à-dire un type de capteurs qui ne sature pas. Il prend donc en compte la véritable mesure du déplacement du sol. Le second genre d’appareil est le vélocimètre, qui a tendance à saturer si l’épicentre du séisme est trop proche de lui. Les effets de marées, par exemple, vont affecter le signal sismique. Il permet d’enregistrer les très faibles déplacements provoqués par les séismes lointains ou les petits séismes régionaux. Les deux sont complémentaires. Ce sont des outils extrêmement importants pour la recherche. Les premiers sismomètres ont été installés il y a cent ans et, dans certains cas, il suffit de cinquante ans pour avoir déjà une petite idée de ce qui se passe au niveau du cycle sismique.        

 

Est-ce que ces tremblements de terre risquent de devenir dangereux ?

Eric Beucler - A priori non, car nous sommes loin des frontières de plaques. Même s’il faut rester très prudent, le fait que l’activité sismique soit régulière est une bonne chose, car l’énergie se libère petit à petit. Cependant, il y a des choses que l’homme appréhende mal compte tenu des échelles du temps de la planète.

Par exemple, nous avons très peu d’informations sur le séisme du 7 septembre 1972, et si on en croit nos données un tel événement pourrait arriver environ tous les cinquante, cent ou mille ans. Mais de toute façon il vaut mieux se prémunir...

 

Photo © L'Europe vue du ciel / Le JdP de l'île d'Oléron


 

Le 7 septembre 1972, le ciel était tout rouge

«Ma femme et moi étions en train de dormir quand nous avons senti un tremblement et entendu un gros grondement. Alors qu’en temps normal on entend tout juste une mouche voler. Tout de suite, je me suis dit que c’était mon chauffe-eau qui avait explosé. Et puis j’ai regardé par la fenêtre, le ciel était tout rouge ! Nous avons entendu des gens parler dans la rue alors nous sommes descendus les rejoindre. Dans la précipitation nous avions même oublié notre petite fille de un an que nous sommes immédiatement allés rechercher», témoigne Bernard Blanchard, 69 ans, exploitant forestier à la retraite et habitant du Trillou. 

Ce 7 septembre 1972, à 22 h 26, il a vécu le séisme le plus important de l’ensemble du massif Armoricain et l’un des cinq majeurs de la France métropolitaine. De magnitude 5,7 et d’intensité 7, son épicentre était situé dans l’île d’Oléron. «Il a été ressenti par tout le monde sur l’île, et même jusque dans la région parisienne, précise Eric Beucler. Heureusement aucune victime n’a été à déplorer. Quelques cheminées sont tombées, notamment à Saint-Pierre-d’Oléron, et des maisons ont été fissurées. Pour la communauté scientifique c’est un séisme difficile à analyser car à l’époque nous disposions de peu de moyens techniques et par conséquent de peu de données.»

Les dégâts étaient mineurs. Pour autant, certains propriétaires ont paniqué. «Il y avait énormément de maisons à vendre ! Mais c’était surtout des résidents secondaires. Les gens d’ici, ils ne partent pas comme ça ! C’est courant chez nous que la terre tremble. C’est vrai que cette fois-ci était sans doute la plus marquante, après on ne s’endort pas facilement... Mais c’était quand même pas aussi impressionnant que la tempête de 1999», conclut l’Oléronais.

 

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